Le problème aujourd’hui dans nos sociétés modernes est que tout le monde veut frauder, pas seulement Big Pharma, même le simple citoyen, l’artisan… Même ceux qui ont déjà de l’argent et qui travaillent depuis longtemps dans certains domaines assez protégés. Ici, un vendeur de chevaux ainsi qu’un boucher, pertinemment au courant de l’utilisation de ces chevaux par Sanofi les rendant impropres à la consommation, ont pourtant trafiqué la paperasserie afin de pouvoir les vendre et se faire un joli petit bénéfice. Personne ne les a forcés à faire ça, c’est juste que l’amour du gain, de l’argent est devenu tellement important aujourd’hui que tout le monde fraude, tout le monde arnaque tout le monde.
Une ferme-laboratoire Sanofi installée en Ardèche vendait chaque année des chevaux interdits à l’abattage pour la consommation de viande.
Principal prévenu dans ce procès de la fraude à la viande de cheval, où comparaissent 25 personnes, Patrick Rochette a reconnu les faits.
Des champs de courses à l’assiette, en passant par plusieurs années dans une ferme-laboratoire de Sanofi Pasteur. Le tribunal correctionnel de Marseille s’est intéressé ce mardi, au deuxième jour d’un nouveau procès sur un trafic de viande de cheval, à la destinée de 185 chevaux dits « réformés » de Sanofi. Et qui se sont retrouvés pour beaucoup dans la filière alimentaire, bien que portant des marques identifiables à leur entrée à l’abattoir : des traces visibles d’injections au niveau de l’encolure côté gauche, et des marques sur la croupe, au fer jusqu’à l’été 2012, puis à l’azote. Un « S » du nom de Sanofi.
« J’ai un très beau client à qui je dois beaucoup, il m’a permis de gagner de l’argent », confie à la barre Fabrice Daniel, à propos de Sanofi qui lui achetait des chevaux pour la fabrication de sérums anti-venins équins, avant de les lui revendre quelques années plus tard après bons et loyaux services. La ferme Sanofi, située à Alba-la-Romaine, en Ardèche, est un client de longue date de la famille. Comme son père avant lui, Fabrice Daniel, marchand de chevaux installé dans le Gard, fournit à Sanofi des trotteurs français venant de Normandie. Par lots de 20 à 25 chevaux, au rythme de trois fois par an.
« La galère des chevaux sans papiers »
En 2004, la règle du jeu change pour la revente des chevaux réformés. « Avant, j’achetais plus cher et je les faisais abattre, raconte Fabrice Daniel. Après, par principe de précaution, ils ont décidé qu’ils étaient interdits d’abattage. » Dès lors, Sanofi les vend pour une bouchée de pain, 10 euros, et mentionne « interdit d’abattage » sur le carnet de l’animal et la facture établie au nom de la société de Fabrice Daniel. Sur les 185 chevaux cédés par Sanofi en 2011 et 2012, les enquêteurs n’ont retrouvé la trace que de 113 chevaux. Parmi eux, au moins 29 chevaux ont fini à l’abattoir de Narbonne, par l’intermédiaire de Patrick Rochette, grossiste en viande et considéré comme le principal acteur de la fraude jugée ces jours-ci à Marseille…
Photo d’illustration : La devanture d’une boucherie chevaline. (photo d’illustration) — AFP
Caroline Delabroy
10 janvier 2023