Article intéressant qui démontre à quel point la science était avancée à l’époque des différentes dynasties musulmanes dans le monde entier. Qu’il s’agisse de la mécanique, de l’astronomie ou des avancées médicales impressionnantes d’un Avicenne… les musulmans ont été à la pointe du savoir pendant des siècles.
Ismail al-Jazari, savant musulman né au XIIe siècle à Diyarbakır, dans l’actuelle Turquie, a jeté les bases de la machinerie moderne.
Aujourd’hui, les robots sont partout. On s’inquiète même qu’ils nous volent nos emplois.
Toutefois, l’histoire de l’automatisation remonte à environ 900 ans, lorsqu’Ismail al-Jazari, un érudit musulman, a inventé les premiers automates, horloges hydrauliques et autres appareils mécaniques.
« Notre plus grande motivation était d’inspirer les foules »
– Mehmed Ali Çalışkan, curateur et auteur
Pour inspirer de nouvelles générations en Turquie et dans le reste du monde, ses machines exceptionnelles ont été recréées pour l’exposition « The Magnificent Machines of al-Jazari » à UNIQ Expo, à Istanbul.
Badi al-Zaman Abu al-Izz Ismail ibn al-Razzaz al-Jazari – connu sous le nom d’Ismail al-Jazari – était un érudit et savant musulman né en 1136 à Diyarbakır en Anatolie, région qui correspond à l’actuelle Turquie. Il a travaillé comme ingénieur royal au palais artukide au XIIe siècle, période connue sous le nom d’« Âge d’or islamique ».
Il est réputé pour son chef d’œuvre, Livre de la connaissance des procédés mécaniques, qu’il a écrit à la demande de Nasir al-Dîn Mahmud, le sultan artukide.
L’horloge de l’éléphant est l’ouvrage le plus connu et le plus complexe d’al-Jazari : elle disait l’heure toutes les 30 minutes (MEE/Rabia Iclal Turan)
Dans son livre, al-Jazari expliquait la construction de ses appareils et automates, des machines de pompage hydraulique aux fontaines, accompagnés d’illustrations et d’instructions permettant aux ingénieurs de les reproduire.
Mehmed Ali Çalışkan, fondateur et directeur général du projet de reproduction des automates médiévaux, est lui-même ingénieur.
Les créations d’al-Jaziri, recréées ici, présentent une mécanique complexe dissimulée sous des personnages humains et animaliers (MEE/Rabia Iclal Turan)
Nous pensons que si nous pouvions raviver son monde fabuleux, qui combine mécanique, science, art et philosophie, cela inspirerait beaucoup de gens comme nous », estime-t-il.
« Notre plus grande motivation était d’inspirer les foules. »
Mehmed Ali Çalışkan est le fils de Durmuş Çalışkan, un ingénieur en mécanique qui a rassemblé les croquis d’al-Jazari dans un livre, publié en 2015, qui représente le récit le plus détaillé du génie médiéval jamais écrit en turc.
Son rêve était d’installer toutes les machines et tous les appareils dans un « musée dédié à al-Jazari ». Un an après la mort de son père, Mehmed Ali Çalışkan et son frère ont réalisé ses rêves.
« L’exposition est la première étape vers le musée dont rêvait mon père », explique Mehmed Ali Çalışkan. « Le contexte technique de l’exposition repose sur les quinze ans d’efforts de mon père. »
Une inspiration pour les ingénieurs d’aujourd’hui
Mais pourquoi les inventions d’al-Jazari sont-elles si importantes pour la génération actuelle ?
Selon les spécialistes et les ingénieurs, le travail effectué par al-Jazari il y a 800 ans a pavé le chemin menant à la machinerie moderne.
« L’impact des inventions d’al-Jazari se fait encore sentir dans l’ingénierie mécanique moderne », écrit Donald Hill, ingénieur et historien anglais du XXe siècle, dans son livre Studies in Medieval Islamic Technology.
« Al-Jazari devrait inspirer les ingénieurs d’aujourd’hui et, plus encore, les jeunes ingénieurs de demain : les écoliers qui envisagent de faire carrière en ingénierie. Je pense qu’il n’est pas aussi connu qu’il devrait l’être, pas même en Turquie ou dans le monde arabe », a déclaré pour sa part Jim al-Khalili, professeur de physique à l’Université de Surrey.
Le bateau d’al-Jazari, recréé ici pour l’exposition, joue de la musique et fonctionne à l’eau (MEE/Rabia Iclal Turan)
Mustafa Kaçar, professeur au département d’histoire des sciences de l’Université Fatih Sultan Mehmet d’Istanbul, explique à MEE que les inventions d’al-Jazari sont les prototypes de nombreux outils technologiques que nous utilisons au quotidien.
« Prenez les moteurs à quatre temps par exemple, les roues dentées, les vilebrequins, les systèmes pneumatiques et hydrauliques, les boîtes à musique, les automates et les systèmes de contrôle, ce sont toutes les innovations technologiques qu’il a développées. »
Kaçar souligne également le fait que le livre d’al-Jazari, Livre de la connaissance des procédés mécaniques, fut l’ouvrage d’ingénierie le plus important écrit avant la Renaissance, qui n’a eu lieu que plusieurs siècles plus tard.
« L’idée de faire fonctionner des robots – ou simplement d’automatiser – a été développée par al-Jazari 250 ans avant Léonard de Vinci, avec d’excellents exemples. »
La fin de « l’âge d’or » du monde musulman
Au cours de l’âge d’or islamique, du VIIIe au XIVe siècle, de nombreux érudits et savants du monde islamique ont apporté des contributions importantes à divers domaines scientifiques, notamment l’astronomie, les mathématiques, la médecine et la géographie. Selon les spécialistes, leurs inventions ont ouvert la voie à la Renaissance et aux Lumières plus tard en Europe.
Par exemple, al-Biruni, astronome, mathématicien et géographe perse, est né en 973 dans l’Ouzbékistan d’aujourd’hui. Il a mesuré la circonférence de la Terre, produisant ce qui était le calcul le plus précis effectué au Moyen Âge.
Une horloge hydraulique en verre, utilisée par la dynastie turkmène des Artukides pour mesurer le temps pendant les campagnes militaires (MEE/Rabia Iclal Turan)
Ibn Sina, mieux connu en Occident sous le nom d’Avicenne, était un médecin et philosophe persan, né en 980 à Boukhara (aujourd’hui en Ouzbékistan).
Décrit par beaucoup comme « le père de la médecine moderne », il a écrit Canon de la médecine, qui a été utilisé comme manuel de médecine dans les universités européennes jusqu’au XVIIe siècle.
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Photo d’illustration : Cette carafe, utilisée pour les ablutions rituelles, laissait couler l’eau lorsqu’on tirait sur la queue du paon (MEE/Rabia Iclal Turan)
Istanbul, Turkey
Middle East Eye [MEE]
22 mars 2019