« Il faut faire mourir l’orgueil sans le blesser. Car si on le blesse, il ne meurt pas », disait le très subtil Antoine de Rivarol. Alors essayons de faire mourir l’orgueil en le démasquant.
D’abord soyons logique, l’orgueil consiste en une surestimation de sa valeur, une manière de faire grandir artificiellement une valeur donc. L’orgueilleux est donc déjà un faux-monnayeur, un escroc.
L’orgueilleux est faible en cela qu’il est incapable de progresser moralement, étant persuadé qu’il est déjà arrivé au sommet.
L’orgueil ne se fonde pas sur l’ignorance mais sur la mauvaise foi, par laquelle on ne veut pas reconnaître la faiblesse de sa valeur, et que l’on augmente donc artificiellement.
Gravé à l’époque sur le fronton du temple d’Apollon à Delphes, « Connais-toi toi-même » est un bon précepte. Reconnais-toi toi-même, en est un meilleur. Et reconnais ta faiblesse toi-même, un meilleur encore.
Reconnaître ses erreurs est déjà bien, reconnaître sa faiblesse est mieux, reconnaître sa périssabilité est encore mieux, reconnaître que l’on est qu’une goutte dans l’océan, une goutte recouverte de poussière, voilà la sagesse.
Il est plus facile de s’enrichir de fausse monnaie morale que de s’enrichir de vraies vertus. Et comme l’homme choisit naturellement la facilité plutôt que la difficulté…, l’orgueil est partout.
Aucune politique ne peut venir à bout de l’orgueil parmi les hommes. Aucune religion ne peut en finir avec la mauvaise foi, cause de l’orgueil, aucune sagesse ne peut en finir avec la volupté de l’orgueil qui gangrène l’humanité.
L’orgueil est la plus funeste maladie de l’homme et malheureusement cette maladie est incurable, une maladie qui se gave d’une drogue : humilier autrui.
L’orgueil comme la mauvaise foi ne peuvent être que purgés, expiés. Ou pardonnés. Toute l’histoire de l’humanité est l’histoire de l’expiation de son orgueil.
Personne n’est invulnérable à l’orgueil, même les esprits supérieurs, surtout eux. Voilà le terrible paradoxe, les esprits supérieurs qui pourraient éclairer l’humanité, la guider, sombrent le plus souvent dans l’orgueil.
Il arrive un moment où l’orgueil ne nous fait plus marcher droit et dessine un gouffre sous nos pas jusqu’à nous y perdre.
Dans les épreuves et les doutes, même au-dessus du gouffre il faut pourtant marcher droit, c’est alors que se dessine un chemin qui finalement porte nos pas.
L’existence humaine est l’expérience d’un manque gigantesque qu’on essaie tant bien que mal de suturer… un manque de souveraineté, suturé par la fierté, par l’orgueil…
L’orgueil naît au moment où on croit pouvoir s’approprier la souveraineté, qui n’est précisément pas appropriable. Croire qu’elle est appropriable est l’illusion principale qui fourvoie l’homme.
La sagesse consiste pour l’homme de seulement participer de la souveraineté sans songer à se l’approprier. Comme une vague à la surface participe des ondes océaniques.
La souveraineté précède le souverain, tous les souverains. Platon l’avait compris avec son fameux Souverain bien. L’orgueil considère que le souverain précède la souveraineté.
Il est difficile pour l’homme de concevoir une souveraineté sans auteur, sans souverain, pourtant la véritable souveraineté est justement celle qui n’est assignée à aucun souverain, qui n’est déterminée par aucun auteur.
Le chemin du spectateur jusqu’à l’acteur est long, mais plus long encore celui de l’acteur jusqu’à l’auteur, et infiniment long celui de l’auteur jusqu’à la souveraineté.
J’entends souvent dire qu’il faut être l’acteur de sa vie. Et pourquoi pas l’auteur ?… Certes, le spectateur n’est qu’une ombre devant l’acteur, mais l’acteur n’est lui-même que l’ombre de l’auteur, qui lui-même n’est…
Nous sommes certains d’être acteur de nos actes, mais sommes-nous certains d’en être auteur ? Si nous n’étions pas auteur de nos actes, qui alors en serait l’auteur ?…
On définit l’acteur comme celui qui agit, qui exécute l’acte, et l’auteur comme celui qui choisit d’accomplir tel acte plutôt qu’un autre et qui imagine et conçoit l’acte à accomplir. L’acteur n’est que l’écume de l’action profonde de l’auteur qui produit le plan, le programme, l’idée de l’action, que l’acteur ne fait que reproduire sensiblement, par mimétisme. L’auteur originaire de l’action peut se perdre dans la nuit des temps, dans les strates du passé ou dans les sphères du Pouvoir. Les hommes – et l’homme moderne surtout – sont les acteurs d’un auteur qu’ils ignorent, ils ignorent même qu’ils sont acteurs, persuadés qu’ils sont auteurs. Aliénation maximale.
Les hommes modernes ne sont même plus des personnages en quête d’auteur, mais un troupeau qui suit l’acteur-en-chef. Et quand le troupeau est mécontent, il veut simplement changer d’acteur-en-chef, il ne veut pas d’auteur, il ne veut que l’acteur, le meilleur acteur.
L’orgueilleux considère que la souveraineté ne peut pas se passer de lui, le sage considère plutôt que celle-ci peut tout à fait se passer de lui.
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