C’est une brèche qui s’ouvre et permet à des professionnels étrangers aux structures de soins d’accéder à des données sensibles sur l’état de santé d’une personne quelconque, avec toutes les dérives possibles et imaginables. On rassure en précisant que toute personne a le droit de s’y opposer, mais on passe sous silence le fait que certains malades ne sont pas très au fait de leurs droits et sont souvent incapables d’exprimer un refus, n’étant même pas conscients du problème. Bref, il y a un risque sérieux que de telles données personnelles et surtout très sensibles tombent entre des mains peu scrupuleuses. Cette situation nouvelle traduit l’état de vulnérabilité de tout un chacun et implique de se monter plus que jamais vigilant autant pour soi-même que pour nos proches, surtout si ces derniers sont diminués.
Un décret permet à des personnes extérieures aux professions de santé d’accéder aux informations médicales des patients. Les syndicats de médecins s’inquiètent.
Fini, le secret médical ? Un décret publié le 22 juillet permet désormais à de nombreux professionnels, dont certains ne travaillent pas dans le domaine de la santé, d’accéder aux informations contenues dans le dossier médical d’un patient. La liste figure dans ce décret qui fait suite à la loi de santé. On y trouve pêle-mêle les ostéopathes, chiropracteurs, psychothérapeutes, aides médico-psychologiques, mais aussi les assistants de services sociaux, accompagnants éducatifs et sociaux, assistantes maternelles et familiales, salariés des lieux de vie… Des intervenants non soumis au secret médical et qui n’ont pas prêté serment.
De quoi agacer certains médecins attachés au sacro-saint secret dont le non-respect est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. « On ouvre la boîte de Pandore, s’inquiète le docteur Didier Le Vaguerès, président de la Fédération des médecins de France de l’Essonne. Ne soyons pas naïfs, c’est le début de la fin du secret médical, dont ne vont pas manquer de profiter les payeurs que sont les complémentaires santé. » « Que viennent faire là-dedans les chiropracteurs, les assistantes maternelles… Une fois que ces gens auront des informations forcément sensibles, qui garantit qu’ils ne la diffuseront pas ? » proteste de son côté Jean-Paul Hamon, président national de la FMF.Le patient peut s’opposer à la transmission des informationsAu ministère de la Santé, on relativise : « Jusque-là, le partage d’informations avec des non-professionnels de santé se faisait de façon orale et n’était pas légal. Ce décret rend le partage légal, il l’encadre strictement et rappelle que le patient peut toujours s’y opposer. Ce partage se fait dans l’intérêt du patient, pour mieux le prendre en charge et faire remonter du terrain des informations importantes. De toute façon, les médecins restent maîtres de l’information à partager. »
VIDEO. Parole d’avocat. Où vont vos données personnelles ?
Coprésidente du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), qui fédère les associations de patients, Claude Rambaud s’étonne, elle, de la longueur de la liste des non-professionnels de santé habilités au partage d’informations. « La présence des assistantes maternelles et des salariés de lieux de vie, qui ne sont pas des lieux de soins, est un peu étonnante. Là, on n’est pas dans l’équipe de soins. » Et Claude Ramboud soulève un autre problème : « Même si le texte prévoit qu’il faut informer les patients, beaucoup de gens ne comprennent pas leurs droits et n’oseront pas s’opposer au partage d’informations les concernant. » La présidente du CISS se félicite néanmoins des garde-fous prévus. Tout comme le docteur Dominique Faroudja, président de la section éthique et déontologie de l’Ordre national des médecins, qui insiste : « Ça n’est pas un droit, et seules les informations nécessaires au suivi du patient sont partageables. La médecine a évolué vers une médecine d’équipe qui nécessite d’échanger les informations. »
Sollicité plusieurs fois par des médecins depuis la publication du décret, l’Ordre a décidé de lancer une campagne d’information. « En tout cas, moi, […]
Daniel Rosenweg — Le Parisien