Ça vient de tomber, il s’est enfin passé quelque chose dans la dissidanse-autour-du-pouvoir. Une baston sanglante. Entre deux dissidansants-autour-du-pouvoir. Entre deux racistes, l’un revendiqué, l’autre non. Deux racistes qui s’entre-tuent… Dieu à décidément beaucoup d’humour. Pouvait-il en être autrement entre deux égos incommensurables soucieux et ne prenant soin que de leur image de penseur viril ? Mais ne nous y trompons pas, la baston c’est le degré zéro de la pensée virile. Personne ne me contredira.
Le plus terrifiant aujourd’hui ce n’est pas que les hommes ne pensent qu’à soigner leur image au lieu de leur âme, c’est qu’ils pensent que c’est la même chose ! Ne comprennent-ils pas qu’une image ici-bas est un composé de simulacres et de mensonges ?… Certains occidentaux, les occidentés, comme disait Lacan, sont peu à peu possédés par leur image et se muent en monstres de mensonge et d’hystérie derrière leur image. Et plus leur image est reluisante et sophistiquée, plus le monstre qui la soutient est effrayant. Ainsi, dès lors que leur image est égratignée, on peut assister à des réactions ahurissantes… des scènes inouïes… des scènes de crimes parfois… Iconopathologie occidentale. Je frémis en pensant au moment où leur image ne sera pas seulement égratignée mais brisée… Et ce moment arrivera, aussi sûrement que deux fois trois font six, ce moment s’appelle : l’Apocalypse.
Nous sommes déjà dans une crise de l’image, une crise profonde, prélude à l’Apocalypse. Les grands médias, les maîtres de l’image et de sa diffusion ont beaucoup perdu en crédibilité, après les gifles du Brexit et de Trump… Ceux qui croient pouvoir contrôler l’image finissent toujours par être contrôlés par elle. L’image est irréductiblement libre, libérale… Seul le verbe peut vaincre l’image ici-bas, la soumettre, je veux parler bien-sûr du Verbe de vérité, du Verbe divin. Mais au demeurant, on pourrait se demander à quand remonte cet iconotropisme occidental ?
À Clovis ? Non. Lui et ses compagnons étaient encore une peuplade de la forêt, des chasseurs-guerriers farouches, barbares comme disaient les Romains, plus préoccupés par leur survie dans un milieu hostile que par leur image. Non, tout bascula avec Charlemagne, le guerrier qui voulait devenir le basileus des chrétiens, le lieutenant de Dieu !… Mais pour convertir les peuples au christianisme, Charlemagne avait une curieuse méthode : les exterminer. Par miracle, le Vatican ne le canonisa pas, s’il y eut un seul miracle au Vatican, c’est celui-là ; s’il l’avait canonisé, l’extinction de l’espèce humaine serait advenue au XIIème siècle, ou avant… Charlemagne confia son image à son dévoué communicant : Eginhard. À propos de Roncevaux, par exemple, Eginhard, dans sa biographie hagiographique Vita Karoli Magni, passa habilement sous silence la cuisante défaite de son maître. En effet, l’armée de Charlemagne, après son échec à Saragosse, en Espagne, face aux musulmans, repasse les Pyrénées, en pillant et dévastant au passage Pampelune, ville pourtant chrétienne, et se fait finalement massacrer par les Vascons à Roncevaux, pour venger Pampelune. La Chanson de Roland transforma les Vascons en Sarrazins et cette cuisante défaite en victoire ! L’image de Charlemagne, le boucher des Saxons, fut ainsi sanctifiée par le mensonge radical. Cette longue Chanson fut un chef-d’oeuvre de propagande islamophobe avant la lettre pour galvaniser les troupes durant les croisades. Pour être précis, le mot d'”islamo-phobie” n’est pas exact, en effet, il ne s’agit pas tant de “peur de l’islam” que de haine de l’islam, haine qui repose sur un mensonge colossal : la Chanson de Roland. Haine qui a traversé les siècles jusqu’à notre époque… Cette Chanson de Roland fut enseignée comme un fait historique dans les écoles françaises jusque dans les années 1980… Les patriotes français haineux de l’islam sont finalement comme ces pauvres gens sur le chemin des croisades : trompés, dupés, manipulés, utilisés pour des intérêts sordides qui les dépassent.
Vouloir faire passer une défaite pour une victoire (rappelez-vous le discours enflammé de Ségolène Royal, après sa défaite de 2007, radieuse et tout sourire sur un balcon rue de Solférino : “Mon engagement et ma vigilance seront sans faille au service de l’idéal qui nous rassemble pour d’autres victoires”… !!!!!), ou un crime pour une œuvre de bienfaisance, telle est l’iconopathologie occidentale. Faire passer, par exemple, la colonisation de l’Afrique et de l’Asie pour un acte désintéressé de bienveillance, de philanthropie, de générosité, de don de soi, d’amour et d’aimable partage… Ou faire passer cet immense criminel qu’était le général Bugeaud pour une grande âme, chevaleresque et magnanime. Ou faire passer des bombardements massifs à l’uranium appauvri et au phosphore blanc sur des populations civiles pour une invitation à la démocratie… Pour finir, c’est le bon Boileau qui dénonça et résuma le mieux cette iconomanie :
“Il n’est point de serpent ni de monstre odieux,
Qui, par l’art imité, ne puisse plaire aux yeux
D’un pinceau délicat l’artifice agréable
Du plus affreux objet fait un objet aimable”.