Nous avons pris connaissance dans l’après midi du samedi 5 septembre, à 15h40, de la requête en appel auprès du Conseil d’État, déposée par le Ministère des Solidarités et de la Santé.
Nous rappelons que l’ordonnance du juge des référés de Strasbourg, en date du 2 septembre dernier, et qui est attaquée par le Ministère de la Santé, avait permis de trouver un point d’équilibre essentiel sur le plan du respect des libertés et de la nécessité de protection de la santé.
Cette requête appelle nos observations suivantes :
1. La présentation alarmiste des chiffres des nouvelles contaminations (ainsi que l’alerte faite sur des possibles hospitalisations en lien) et leur prévention nécessaire est une malhonnêteté intellectuelle car elle est SANS LIEN avec l’obligation du port du masque à l’extérieur.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, nous apprenons d’ailleurs que notre département serait passé en zone rouge.
Nous rappelons qu’il n’existe aucune certitude scientifique quant à l’utilité du port du masque à l’extérieur, sinon un consensus : il est prudent de le porter quand aucune distanciation physique n’est possible.
Le port du masque à l’extérieur est donc un OUTIL supplémentaire de protection, en association avec les gestes barrières.
Cette position est aussi un point d’équilibre.
Dans le contexte social et psychologique actuel, nous avons tous besoin d’espaces de respiration (lieux, horaires), y compris et peut être surtout les plus vulnérables. Quand il n’existe AUCUN RISQUE de contamination, quel est l’intérêt de porter un masque (des exemples qui tombent sous le bon sens : parcs, bords du Rhin, rues la nuit etc.) ?
Dans la communication du ministère, tout comme dans certains discours médicaux, s’agit il de faire passer ceux qui souhaitent un équilibre pour des inconscients (nous ne connaissons pas la « réalité » ni la « gravité » de l’épidémie) ou des polémistes voire des quérulents processifs, donc non crédibles ?
2. Mettre sans cesse en avant la lisibilité (cf. il faudra un GPS) pour justifier des positions liberticides est aussi une malhonnêteté intellectuelle.
Ainsi, dans une logique de prévention qui s’appuie sur l’intelligence collective, il tombe sous le bon sens que le port du masque reste conseillé en dehors des situations où la distanciation physique n’est pas possible, et ce, même sans être sous la menace d’une amende ou d’une peine de prison.
C’est tout le danger d’une contrainte, surtout en santé : alors qu’on souhaite une discipline, la coercition a ses effets pervers. On tente de resquiller la sanction, parce qu’on n’a pas compris que le sujet, c’est la protection de sa santé (et de celle de l’autre).
Enfin, si on parle de lisibilité, comment comprendre dans cette logique absolutiste que des personnes assises en terrasse pour consommer un repas ou une boisson ne sont pas dans l’obligation de porter un masque : le virus ne serait il plus présent quand on est en position assise ?
Là encore, c’est une question de point d’équilibre.
3. Mais ce que nous apprenons à la lecture de cette requête dépasse la question du port du masque.
Il s’agit « d’acclimater » la population, de favoriser l’apparition d’un véritable réflexe (1). Nous sommes indisciplinés (2). Nous pourrions être responsables de la mise en place d’un couvre feu (3) …
Il s’agit « d’acclimater » la population, de favoriser l’apparition d’un véritable réflexe (1).
Plutôt que de parier sur l’intelligence collective et les ressources individuelles de chacun, s’agirait il de nous réduire à l’état d’animaux (les animaux du Jardin d’Acclimatation !) ou de robots incapables de penser et de réfléchir (cf. « 1984 » ou « Le meilleur des mondes ») ?
Il faut bien comprendre ce qui est écrit dans ce paragraphe : si l’autorité publique dit qu’il faut porter le masque, nous devons obtempérer sans discuter, en tout lieu et toute heure, même si la distance physique est possible et qu’il n’y a pas un chat autour de nous (et donc obéir sans réfléchir à une règle qui n’a pas de sens !)
C’est une conception de la société et de l’être humain à laquelle nous ne pouvons souscrire.
Nous sommes indisciplinés (2).
On entend souvent autour de nous ce type de commentaires : les gens sont indisciplinés, ne réfléchissent pas … Dans ce raisonnement, c’est toujours l’autre qui est indiscipliné, incapable de réfléchir, irresponsable…mais pas moi, moi qui suis, bien sûr, très discipliné sur tout, le plus intelligent, le plus responsable et donc, à ce titre, je pourrais me permettre de faire des leçons de morale aux autres.
C’est une conception de la relation à l’autre et à la responsabilité à laquelle nous ne pouvons souscrire.
Nous pourrions être responsables de la mise en place d’un couvre feu (3) …
Cette présentation alarmiste a pour effet la mise en place d’un climat de peur, dans lequel aucune pensée ne doit avoir sa place ni aucun débat (ni avec les citoyens, ni avec nos élus parlementaires et maires, ni avec les personnes les plus vulnérables et les plus jeunes : quid de l’écoute des personnes âgées, des personnes sans abri, des jeunes par les pouvoirs publics ?)
Pensée binaire (on est soit du côté de la santé, soit du côté des libertés), alors que c’est un point d’équilibre que nous souhaitons.
La crise actuelle pourrait être l’occasion d’une meilleure démocratie sanitaire dans notre pays… au lieu de nous déresponsabiliser de cette sorte. C’est une conception de la société et de l’être humain que nous appelons de nos vœux.
Il nous parait fondamental de rappeler que si on ne doit pas tergiverser pour la protection de la santé, on ne doit pas non plus tergiverser pour le respect des libertés quand il n’y a aucune raison de les restreindre, fut il temporairement.
Tout comme la santé, la liberté n’est pas un gadget.
Il s’agit là encore de trouver un point d’équilibre.
(1) Alors que les scientifiques recommandent très fortement le port du masque dans cette phase de regain de l’épidémie une obligation de port du masque attachée à l’espace public en zone urbaine donc dense à toute heure du jour comme de la nuit présente a le mérite d’acclimater la population au geste simple mais capital de porter un masque et de favoriser l’apparition d’un véritable réflexe. Au contraire, la définition de zones ou de plages horaires « sans masque » rendraient non seulement beaucoup plus hypothétique le développement d’un tel réflexe mais risquerait de favoriser les balades et loisirs dans ces lieux et heures-là, à rebours de la stratégie sanitaire à laquelle les mesures de police concourent. Elle pourrait également accréditer l’idée que le port du masque n’est au fond obligatoire que lorsque la distanciation sociale n’est pas possible, alors que l’objet même des obligations spéciales de port du masque figurant notamment au II de l’article 1er et à l’article 27 du décret du 10 juillet 2020 est d’imposer ce port indépendamment de cette distanciation (ces règles se démarquant de ce point de vue des normes générales figurant à l’annexe du I de l’article 1er).
(2) Le 11 août, à l’occasion d’une conférence de presse au Centre hospitalier universitaire de Montpellier, le Premier ministre déplorait une « moindre discipline » dans le respect des règles sanitaires. Après avoir indiqué « avec une forme de gravité : si nous ne réagissons pas collectivement, nous nous exposons à un risque élevé de reprise épidémique qui sera difficile à contrôler » ; il demandait alors aux préfets de « se rapprocher des élus locaux pour étendre le plus possible l’obligation de port du masque dans l’espace public ».
(3) Il convient d’abord de souligner que la gêne que peut représenter le port d’un masque de protection est sans commune mesure avec la portée d’un couvre-feu ou de restrictions de circulation et a fortiori de confinement, notamment pour l’application de raisonnement liés au respect de plages horaires dans la journée.
https://www.youtube.com/watch?v=dtwvX_T6acE&feature=youtu.be