Ce drame qui a entraîné la mort d’un jeune homme de manière totalement stupide et gratuite est encore une fois l’occasion pour les autorités de patauger dans le mensonge et la manipulation, dans le faux témoignage et la réalisation d’enquêtes biaisées qui méritent largement quelques années d’emprisonnement. C’est quasi systématique, les bavures sont lamentablement minimisées par d’autres bavures encore plus graves, en recourant à la commission de faux et à l’usage de faux en écriture publique. Il est extrêmement inquiétant de constater à quel point ces préfets et autres responsables de l’IGPN ne se rendent pas compte de la gravité de leurs actes.
On apprend à travers les témoignages recueillis auprès de jeunes rescapés que ces derniers se sont retrouvés dans l’eau et qu’ils y sont restés accrochés à une corde, pendant au moins 20 minutes, car les forces de l’ordre continuaient à balancer des gaz lacrymogènes, empêchant ainsi tout secours de les ramener sur la terre ferme. En réalité, cette nuit aurait pu être beaucoup plus meurtrière. Il y aurait eu plus de morts en période hivernale à cause des risques d’hypothermie.
Des personnes tombées à l’eau, aveuglées par le gaz lacrymogène, « ont vu un homme couler à pic » au cours de la Fête de la musique, affirme Me Marianne Rostan, avocate de 89 fêtards du quai Wilson, ce jeudi 1er août.
C’est un témoignage accablant qui est entré dans le dossier d’enquête relatif à la disparition de Steve Maia Caniço – jeune homme de 24 ans disparu au cours de la nuit de la Fête de la musique à Nantes, et retrouvé lundi 29 juillet dans la Loire – selon Me Marianne Rostan.
L’avocate des 89 personnes ayant participé à la soirée techno, orchestrée quai Wilson le 21 juin, rapporte que deux de ses clients ont chuté dans la Loire, tandis qu’ils étaient « asphyxiés et aveuglés par les gaz lacrymogènes ». Il était alors un peu plus de 4 h 30 du matin, moment où il y a eu « un vrai mouvement de foule ».« On est quatre personnes à avoir été secourues, alors qu’on était 5 dans l’eau »
L’un d’eux livre un récit terrifiant : « Il s’est luxé l’épaule et n’était pas en mesure de se mettre à l’abri, énonce-t-elle. Il a été tiré par le col par une autre personne tombée dans le fleuve, à qui il doit sans doute la vie sauve. Au moment de sa chute dans l’eau, il est catégorique : ils étaient 5 à se débattre dans l’eau. Il est sûr qu’un homme a été emporté par les flots et a coulé à pic. Il ne peut pas dire s’il s’agit de Steve, il ne le connaissait pas et ne peut donc pas le reconnaître physiquement. Et tout s’est passé très vite. Mais voilà ce qu’il me dit : « On est quatre personnes à avoir été secourues, alors qu’on était 5 dans l’eau ». Il y en a un qui manquait à l’appel. Alors oui, au vu des événements, il a acquis la conviction intime qu’il s’agissait de Steve. »
Une enquête administrative « complètement biaisée »
Les deux rescapés, que représente Me Rostan, estiment être restés « une vingtaine de minutes » dans l’eau, accrochés à une corde. « Durant ce moment, les grenades lacrymogènes ont continué à pleuvoir, empêchant toute opération de secours dans un contexte calme. »
Sans surprise, l’avocate annonce qu’elle porte également plainte pour non-assistance à personne en danger pour ces deux hommes. Et dénonce le caractère « complètement biaisé » de l’enquête administrative de l’Inspection générale de la police nationale. « En l’état des investigations, il est inentendable que l’IGPN puisse affirmer qu’on ne peut pas établir de lien entre l’opération de police et les personnes tombées dans la Loire. Les personnes que je représente ont chuté à cause du gaz lacrymogène. Il est également inentendable d’affirmer qu’aucun mouvement de foule n’a été constaté, et qu’aucun témoin n’a observé de personne en panique ou en train de courir. Si on va par là, autant affirmer qu’il n’y a pas eu de Fête de la musique à Nantes. »« Drame terrible »
L’avocate se dit « révoltée » et tonne : « Il y a eu un drame terrible avec la mort de Steve. Mais d’autres personnes auraient pu également y laisser leur vie. La seule option qui s’imposait au commandant de l’opération était de tout stopper au plus vite, de faire venir tous les moyens de secours possibles pour porter assistance aux gens tombés dans l’eau. Au lieu de cela, les grenades lacrymogènes ont été tirées jusqu’à 4 h 50. »
Anne-Hélène Dorison et Yan Gauchard
Presse Océan2 août 2019