Il n’y a qu’en France où l’on voit un tel scandale traîner en justice aussi longtemps malgré la gravité des faits. Bernie sera mort et enterré lorsque cette affaire aura été jugée et tout le monde trouve ça normal, préférant aller au foot suivre les résultats des dopés, plutôt que de s’occuper d’affaires beaucoup plus sérieuses.
La Cour de cassation a validé jeudi midi l’annulation de l’arbitrage ayant accordé 403 millions d’euros de dommages et intérêts à l’homme d’affaires. Mais subsiste pour lui une ultime possibilité de ne pas rendre l’argent.
La Cour de cassation siffle la fin de la partie. Jeudi, la plus haute juridiction française a définitivement validé l’annulation de l’arbitrage qui, en juillet 2008, accordait à Bernard Tapie 403 millions d’euros de dommages et intérêts (dont 250 devaient lui revenir en net).
L’ultime recours de l’homme d’affaires consistait à plaider que le litige l’opposant depuis près d’un quart de siècle au Consortium de réalisation (CDR, organisme public ayant hérité des antiques litiges du Crédit lyonnais) à propos de la revente d’Adidas, serait de nature internationale : une boîte allemande, rachetée en 1990 par un futur ministre français, puis revendue en 1993 à un homme d’affaires basé au Luxembourg (Robert-Louis Dreyfus) épaulé pour la circonstance par des coquilles offshore immatriculées aux îles Caïmans aux bons soins de la banque. «Ce point est essentiel», note la Cour de cassation dans un communiqué explicatif de son arrêt : si le litige est international, seul un tribunal arbitral nouvellement constitué pourrait refaire le match ; si c’est franco-français, la cour d’appel de Paris serait parfaitement compétente pour revisiter l’histoire – ce qu’elle ne se privera pas de faire dans un arrêt en février 2015.
Raisonnement subtil
Dans le corps de sa décision, la Cour de cassation adopte un raisonnement subtil : «C’est au moment de l’arbitrage que s’apprécie son internationalité.» Et quand, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le principe d’un arbitrage se substituant aux procédures judiciaires en cours est adopté en haut lieu, «sa dimension internationale qui avait existé avait disparu»…
Toutefois, il n’est pas près de – ou prêt à – rendre l’argent. Outre qu’il s’est placé depuis six mois sous le régime de sauvegarde (un cran en deçà de la faillite personnelle), régime qui peut tempérer l’ardeur de ses créanciers, la décision de la Cour de cassation ne valide que l’arrêt de la cour d’appel de février 2015, se contentant, dans un premier temps, d’annuler l’arbitrage litigieux.
Mais c’est par un second arrêt, rendu en décembre 2015, que la même cour d’appel, revisitant au fond le litige Adidas, jugeait qu’il ne méritait pas de dommages et intérêts. Cet arrêt-là fait l’objet d’un autre pourvoi en cassation, non encore examiné à ce jour. Une possibilité de prolongation du match.
On parle ici de procédures civiles, où se joue l’essentiel en matière financière – verser du fric ou pas, et si oui combien. Sur le plan pénal, l’enquête pour «escroquerie au jugement» [toujours au sujet de l’arbitrage litigieux, ndlr] vient d’être clôturée par les juges d’instruction. Elle aura largement alimenté le litige financier, contredisant le vieil adage […]