Alors qu’il se passe des choses extrêmement graves au plus haut sommet de l’État notamment le remplacement du procureur de Paris François Molins, les médias en font des tonnes sur un clip de rap profondément débile comme s’ils analysaient les propos d’un homme politique tenus sur une tribune lors d’un meeting ! Il faut dire qu’avec les multiples affaires Benalla en cours d’instruction ainsi que les autres ministres impliqués dans de drôles de magouilles, il est vital pour l’Élysée de contrôler les procédures judiciaires. Malheureusement pour nous, nos médias ont décidé que Nick Conrad était plus important que la succession de François Molins…
Les candidats proposés par la garde des Sceaux au poste de procureur de Paris ont été retoqués par le président. Effarant.
De mémoire de magistrats, jamais la nomination d’un chef de parquet n’avait provoqué un tel chaos politico-judiciaire. Certes, il s’agit du poste de procureur de Paris, le plus sensible de toutes les juridictions, tant il est en première ligne sur le terrorisme et de nombreux dossiers touchant le pouvoir, occupé par le très médiatique François Molins. Cette succession se déroulait à merveille jusqu’à ce qu’elle se transforme en grand cafouillage, l’Elysée ayant mis son grain de sel.
Le jeu de chaises musicales semblait pourtant parfaitement huilé. Le 28 juin, le procureur général de la Cour de cassation, Jean-Claude Marin, part à la retraite. Le lendemain, la Chancellerie offre le poste à François Molins. Et, début juillet, pour lui trouver un successeur au parquet de Paris, la garde des Sceaux Nicole Belloubet reçoit trois magistrats candidats. Très vite, selon nos informations, elle suggère deux noms à l’Elysée : Marc Cimamonti, 60 ans, en poste à Lyon, et Maryvonne Caillibotte, 55 ans, avocate générale à Paris, en marquant sa préférence pour le premier. Et réservant pour la seconde la direction du futur parquet national antiterroriste (PNAT). La ministre aurait bien voulu faire un “coup” en nommant cette dernière procureure de Paris, la première femme à ce haut poste, mais elle ne l’a finalement pas proposée.
Deux candidats reçus par Edouard Philippe
Et patatras. Après deux mois et demi de suspens et de rumeurs contradictoires dont les palais de justice sont friands, l’architecture proposée par la ministre de la Justice est balayée. Cimamonti et Caillibotte ? Emmanuel Macron n’en veut pas. Selon les sources de L’Express, ils avaient pourtant été reçus l’un et l’autre par le Premier ministre Edouard Philippe, ce qui, en soi, est sans précédent. Du coup, le 24 septembre, Cimamonti est exfiltré au parquet général de la Cour d’appel de Versailles. Et, le même jour, la direction des services judiciaires lance un nouvel appel à candidatures pour la succession de Molins. Manifestement, les neuf candidats qui avaient offerts leurs services à la fin du printemps ne conviennent pas au château. Du jamais vu.
Officiellement, bien sûr, la Chancellerie ne veut pas y voir un désaveu de la ministre de la Justice par Emmanuel Macron. Avec deux arguments. Premièrement, le poste de procureur général de Versailles était devenu vacant ; il était donc logique d’y envoyer Marc Cimamonti, qui avait coché cette case parmi ses nombreux desiderata. Deuxièmement, le gouvernement ayant décidé d’intégrer la création du PNAT au projet de loi Justice, ce changement de périmètre du parquet de Paris obligeait à lancer un nouvel appel à candidature.
Une communication qui ne convainc personne. Un procureur comme Marc Cimamonti, très investi dans l’action publique directe, président de la Conférence nationale des procureurs, aurait nécessairement préféré devenir patron du parquet de Paris, le plus grand de France, que d’être “promu” à la Cour d’appel de Versailles, ce qui ressemble à une quasi pré-retraite. Quant au rétrécissement des prérogatives du parquet de Paris, qui voit le terrorisme lui échapper, il était dans les tuyaux depuis de longs mois, et cela ne diminue ni l’attrait pour le poste, ni les compétences exigées pour les prétendants. Et rien ne prouve que le PNAT sera créé avant le départ de François Molins.
Un doute sur l’impartialité du futur procureur
La vérité se situe donc ailleurs. La Chancellerie a été contrainte “de déguiser le choix du prince”, tance le Syndicat de magistrature (minoritaire). “Le pouvoir exécutif entend nommer un magistrat qu’il a déjà choisi, mais qui ne s’était pas initialement porté candidat”, renchérit l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire). Il y aurait une tentative de reprise en mains politique de la justice, notamment au travers des parquets, comme celle dont rêvait en son temps Nicolas Sarkozy. Emmanuel Macron a donc rayé d’un trait de plume le nom du Lyonnais Cimamonti. Pour ne pas donner satisfaction au ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, qui appuyait cette candidature,et dont les relations avec le chef de l’Etat se sont récemment tendues ?[…]
François Koch – L’Express