Paris (VIIe). Le juge antiterroriste est venu questionner Bernard Bajolet, patron de la DGSE, le 29 juillet dans une aile de l’Hôtel des Invalides.
La justice a tenté de connaître auprès de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) le nom du commanditaire des attentats de Paris. Un refus poli lui a été opposé…
Qui ne tente rien n’a rien. Selon nos informations, l’un des juges antiterroristes en charge des investigations sur les attentats du 13 Novembre a interrogé Bernard Bajolet, le patron de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), le 29 juillet. Une initiative inédite et osée, puisque la DGSE, rattachée au ministère de la Défense, n’a aucun compte à rendre à l’institution judiciaire. Le chef des services de contre-espionnage français a néanmoins subi un interrogatoire en tant que témoin après ses propos tenus en mai devant la commission parlementaire sur les attaques de Paris et Saint-Denis. « Il est vrai qu’Abaaoud était un coordinateur mais pas le commanditaire. Nous connaissons le commanditaire mais je resterai discret sur ce point », avait-il indiqué. Une déclaration qui a manifestement suscité l’intérêt du juge d’instruction venu questionner le haut fonctionnaire à l’hôtel des Invalides (Paris VIIe).
Après avoir rappelé cette confession faite aux parlementaires, le magistrat met les pieds dans le plat. « Pouvez-vous, dans ces conditions, donner le nom du commanditaire des attentats du 13 novembre 2015 ? » interroge-t-il. « Je ne peux pas donner les noms du commanditaire et de ses collaborateurs en raison de la sensibilité de nos sources », répond Bernard Bajolet. « Y a-t-il sur ce point des documents classifiés ? » insiste le juge, avec l’espoir de réclamer une déclassification, comme l’y autorise la loi. « La demande de déclassification mettrait en danger nos sources », prévient le chef du renseignement extérieur, qui ajoute qu’en matière de terrorisme la DGSE travaille en collaboration avec la DGSI, le renseignement intérieur, avec qui les juges antiterroristes sont habilités à échanger des informations.Le commanditaire connu sous le nom d’Abou Ahmed
L’enquête judiciaire sur les attaques du 13 Novembre a confirmé l’existence d’un donneur d’ordre qui n’est pas Abaaoud. Connu des enquêteurs sous son nom de guerre, Abou Ahmed, il serait un francophone membre haut placé de Daech qui aurait orchestré depuis la Syrie les attentats de Paris et Saint-Denis, mais aussi ceux de Bruxelles le 22 mars. Un ordinateur trouvé dans une poubelle près d’une planque bruxelloise des commandos a révélé l’existence de fichiers audio dans lesquels les terroristes rendent compte en français des préparatifs des attaques à Abou Ahmed, qu’ils appellent « l’émir ». Auditionné par la police belge en mai sur ce commanditaire, Mohamed Abrini, proche de Salah Abdeslam et complice présumé des terroristes aujourd’hui incarcéré en Belgique, avait assuré ne pas connaître son identité.
Classé secret défense
Placés sous la tutelle du ministre de la Défense, les espions de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) travaillent pour le gouvernement en place. Au nom de la séparation des pouvoirs, ils ne sont pas autorisés à recueillir des informations issues des enquêtes judiciaires. De la même manière, les juges d’instruction ne sont pas habilités à prendre connaissance des renseignements classifiés (confidentiel-défense, secret-défense ou très secret-défense) détenus par la DGSE. Seule une habilitation spéciale délivrée par le secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN) permet d’y avoir accès. Il existe néanmoins une exception à cette règle : un juge d’instruction peut demander au ministre de la Défense la « déclassification » d’informations en possession de la DGSE. Ces requêtes sont soumises à avis d’une […]
Le Parisien