Quelle profonde misère que de se sentir exister en allant voter… ! Cette rage d’exister typiquement moderne est cet acharnement à vouloir sortir de l’immanence pure. Et à faire de cette illusoire sortie un événement. Cette fureur de l’événementialisation de la vie, cette obsession de “l’événementiel”, de plus en plus stérile (élections, match de foot, médias, défilé de mode… ), témoigne de l’aliénation extrême (finale ?) de l’homme moderne, suspendu au-dessus du vide. Sortir de l’immanence pure c’est aller vers le vide, vers le nihilisme. Mais qu’est-ce que l’immanence pure ? Ce n’est pas un objet empirique, ni intellectuel, c’est plutôt un sentiment, et plus précisément la disparition du sentiment d’étrangeté au monde, la disparition du sentiment qui fait nous sentir dans un monde inconnu. L’immanence pure c’est tout simplement le sentiment merveilleux d’être revenu chez soi après un long exil expiatoire. Après un long Iliade et une longue Odyssée. L’immanence pure c’est reconnaître ce “chez soi” derrière toutes nos perceptions, c’est se reconnaître dans toutes les altérités. Réussir sa vie, accomplir son destin… c’est aller jusqu’au bout de son exil expiatoire, c’est revenir à l’immanence pure, où meurt le moi. Le salut du moi advient à la mort du moi ! Les hommes modernes veulent sauver leur moi sans le faire mourir…, terrible méprise. “Si le grain tombé en terre ne meurt pas, il reste seul”, disait Jésus-Christ (Jean 12, 24). “Il reste seul” dans le vide, dans la douleur infinie du vide. Du vide plein d’illusions chaotiques. D’illusions infiniment aliénantes. L’immanence pure c’est l’exact contraire de la solitude, l’exact contraire de la douleur infinie, c’est le pur esprit de l’islam. L’esprit de modernité est cette folie démoniaque qui nous pousse irrépressiblement à sortir de l’immanence pure jusqu’à en sortir radicalement, d’une manière scientifique ! Toute cette digression pour dire que le Front National ne nous sauvera pas de cette folie.