On en a parlé sur ce site au sujet de l’article mensonger et diffamatoire d’Aziz Zemouri concernant le couple Garrido/Corbière ; effectivement, une des explications d’un tel dérapage est l’argent. On pourrait également penser à l’amitié, sauf que celle-ci est rare dans ce milieu de requins et qu’elle ne peut pas se retrouver systématiquement dans de nombreuses affaires déconnectées les unes des autres. Autrement, comment expliquer la publication d’un papier qui contient plus de 15 mensonges vérifiables en quelques clics ? Il n’y a que la corruption par l’argent qui rend assez stupide l’être humain pour se permettre de telles sottises.
Puis d’un coup, ce témoignage exceptionnel est publié dans le journal Fakir – en intégralité et en accès libre par le journaliste pigiste Julien Fomenta Rosat – concernant les journalistes qui pendant de longues années ont publié des articles bidons sans aucune compétence ni expertise et qui se retrouvait en première ligne sur la page Google afin d’influencer l’opinion publique. On apprend que tout ceci est réalisé de manière anonyme et cachée, totalement secrète car ils savent que c’est illégal, que c’est de la pure propagande ; même les noms des journalistes sont souvent inventés de toutes pièces ! Ces articles bidons sont ensuite publiés dans des quotidiens ou des magazines de renommée, considérés comme très sérieux, il se retrouve donc sur la première page de recherche Google.
Mediapart vient de publier un papier concernant les nombreuses fake niouzes publiées par Le Point. Concernant Aziz Zemouri, un nombre incalculable d’articles mensongers a été publié non seulement concernant M. Salim Laïbi, mais également l’association Anticor qui a d’ailleurs déposé plainte contre Zemouri, l’actrice franco-belge Roy Van Sand qui les a fait condamner 2 fois pour diffamation, Une autre association qui lutte contre les violences policières…
Non seulement ces journaux n’arrêtent pas de mentir et d’accuser les lanceurs d’alerte de diffuseurs de fake niouzes en inversant totalement les rôles, mais de surcroît, ces journaux officiels sont financés chaque année par de l’argent public puisque l’État les subventionne à hauteur de 2 milliards d’euros ! En d’autres termes, le peuple via les impôts et taxes financent sa propre tromperie.
Pire que tout, car nous ne serons jamais déçus par le pire, nous allons apprendre également dans ce papier de Fakir que l’entreprise de propagande et de mensonges iStrat, l’agence de lobbying numérique qui embauche ces faux journalistes, a été codirigée de juin 2013 à 2014 par… Olivia Grégoire, l’actuelle porte-parole du gouvernement ! Vous comprenez beaucoup mieux maintenant pourquoi elle est à ce poste, car c’est une mythomane professionnelle assumée.
« O
n m’a commandé un article pour dézinguer Ruffin. Je l’aime bien, moi, Ruffin… Je réponds quoi ? »
Il y a quelques mois, on recevait un coup de fil de Julien, un copain journaliste qui fait des ménages dans la com’, pour payer les factures.
Articles bidon, médias complices, déstabilisations, grands groupes pleins aux as… Julien nous raconte le business secret des « agences fantômes ».De : Alice
Objet : Commande semaine 16012017Salut, j’ai un article à te commander pour la semaine prochaine, 60 euros, dis moi si c’est bon pour toi☺
1 article sur l’adhésion du Montenegro à l’OTAN qui suscite de plus en plus de polémiques. Il faut que l’article soit neutre et journalistique tout en développant que le Monténégro est trop corrompu et victime de trop de crime pour adhérer à l’OTAN. Ne pas parler de la Russie.
Voilà, merci encore !
AliceCe genre d’emails au ton professionnel et complice, j’en recevais plusieurs par semaine.
Au fil du temps, c’était même devenu une habitude. Je prenais connaissance du sujet, je me mettais dans la tête du client, m’efforçais de donner à l’argumentaire l’apparence d’un vrai article. Avec le temps, ça me demandait de moins en moins d’efforts. En deux ou trois heures, c’était plié. Parfois, je me surprenais à torcher un papier sans avoir besoin de me concentrer, en mode pilote automatique.
Un vrai robot.Dès le lendemain, quand ce n’était pas quelques heures plus tard, je recevais une nouvelle commande de l’agence pour vanter le savoir faire d’EDF en matière d’énergie nucléaire, dénoncer la concurrence déloyale d’Airbnb face aux hôteliers ou encore souligner le laxisme de la France vis à vis d’un opposant au président kazakh. Peu importe le sujet : ma plume était devenue aussi prolifique que tout terrain. En six années de collaboration avec « l’Agence », je leur ai pondu 595 articles. Cinq cent quatre vingt quinze. Près de deux par semaine, vacances comprises. Sur toutes les thématiques, certaines parfois dont je ne savais rien : énergie, politique internationale, nouvelles technologies, santé, économie – et j’en passe. Ce n’était pas du journalisme, évidemment. Mais hormis un court syndrome de l’imposteur, pas de problème de conscience : tant qu’on ne me demandait pas de nuire directement à quelqu’un, ou de faire l’apologie d’un criminel notoire… Il fallait bien gagner ma croûte. Et puis, si ce n’était pas moi, quelqu’un d’autre le ferait.
Comment j’en suis arrivé là, à 30 ans passés ? A écrire des articles bidon pour flatter l’égo ou servir les intérêts des riches et des puissants ? C’était clairement pas dans mes projets, en sortant de l’école de journalisme… Tout commence en 2015, quand je me mets à mon compte comme journaliste pigiste, après plusieurs années de salariat. On est un jeune couple qui vient de s’installer, des projets de bébé… Mais vivre uniquement de la presse, c’est compliqué. Tandis que dans la communication, l’argent coule à flots. Afin de compléter mes maigres piges, j’accepte donc quelques missions dans la com’ : bosser pour des entreprises, des institutions… Un beau jour, je reçois un message sur Jemepropose.com. Le genre de sites qu’on consulte plutôt pour trouver une femme de ménage, un prof d’anglais ou un jardinier. « Notre agence recherche un rédacteur indépendant capable d’écrire des articles journalistiques sur des sujets variés : économie, politique, énergie, etc. Puis je vous appeler dans la journée ? » C’est signé d’un certain « Damien Escande, de Public Relations Agency ». Ben oui, tu penses : j’ai besoin de bosser ! Au téléphone, il m’explique, pour le moins vaguement, ce qu’il attend de moi. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis sceptique.
Il me propose un test : je reçois un petit topo par mail, et plusieurs liens vers des articles sur le même sujet. À partir de ces éléments, ma mission : produire un texte qui ressemble à un vrai article, avec titre, chapô, accroche. Pour répondre à mes questions un peu insistantes, il m’indique que le papier sera probablement publié sur un « média généraliste tendance réac, mais pas trop ». Ah ouais ? Quand même… Mais bref, je ne suis pas bien avancé… Le sujet : les errements de la junte thaïlandaise. Première nouvelle : la Thaïlande est sous le contrôle des militaires ! Je débarque complètement, sur ce coup là… Au bout d’une journée de labeur, j’accouche d’une première version que j’envoie à mon correspondant. Il semble satisfait et me commande d’emblée un autre article sur l’électrification en Afrique. Quoi ? Les deux tiers du continent africain ne disposent pas d’électricité ? Vite, je me rencarde sur le sujet, bricole un truc qui tient à peu près la route. Je prends le pli…
Les jours suivants, je me demande, quand même, où vont atterrir mes articles. Je fouille, je veille.
Au bout d’une semaine, enfin ! Je repère celui sur la junte thaïlandaise, par la magie des mots clés sur Google. Il a été publié sur Contrepoints.org, « journal en ligne qui couvre l’actualité sous l’angle libéral ». Ah. Ce média est reconnu par le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL). Mais à part le titre modifié, et deux phrases ajoutées, mon article y est retranscrit mot pour mot. Même mon accroche d’un goût douteux est restée intacte : « Au pays du sourire, seuls les professionnels de l’armement ont encore la banane. » Franchement, j’ai du mal à y croire. Je m’attends à ce que l’imposture soit rapidement démasquée, l’article retiré du site. Mais non. Et je ne suis pas au bout de mes surprises… Le papier – on parle bien de celui que j’ai écrit ! – est signé par un certain « Hugo Revon » (qui n’est pas moi, donc !), un « rédacteur web » qui « télétravaille depuis Bangkok, où il a posé ses bagages en 2014 ». Pour rendre crédible ce faux article, bricolé en quelques heures, on fait donc croire aux lecteurs que l’auteur vit dans le pays… Et on ne se gêne pas pour en rajouter une couche, histoire de lui donner des traits plus humains : « Amoureux de l’Asie, il envisage d’emménager à Taïwan début 2016 », conclut la petite biographie qui accompagne la photo d’Hugo.
Je fais quelques recherches sur ce rédacteur qui signe mon texte. Qui est-il ? Existe-t-il seulement ? Étrangement, je ne trouve rien sur lui en dehors de ses contributions sur Contrepoints. Sur Google Images, sa photo renvoie aux mots clés « hair salon » (« salon de coiffure »). C’est sûrement celle d’un mec qui venait juste pour une coupe… Certains, quand même, contestent. « Pourquoi Contrepoints persiste à donner la parole à ce petit morveux qui déblatère sur un pays qui l’héberge sans comprendre quoi que ce soit sur sa culture et sur sa fierté ? », s’étouffe ainsi « P du 78 », qui semble avoir l’œil. Mais son commentaire est rapidement supprimé. L’article, lui, six ans après, est toujours en ligne.
Quelques semaines plus tard, Hugo Revon « signera » un autre de mes articles sur la junte thaïlandaise, toujours sur Contrepoints. Et comme visiblement je deviens un spécialiste international du sujet, Public Relations Agency me commande dans la foulée une tribune sur le même thème… Elle est publiée, elle, sur le blog du Huffington Post, soi disant par Andrei Sorescu, « employé d’ONG en Europe de l’Est ». Là aussi, avec photo à l’appui… Je ponds une nouvelle tribune, encore : « Thaïlande : le recul inquiétant de la démocratie. » Direction le site de L’Express… Et elle est signée, pour une fois, d’un personnage réel ! Jaran Ditapichai, l’avocat leader des Chemises rouges (mouvement ouvrier d’opposition thaïlandais), en exil à Paris depuis 2014. Je ne saurai jamais qui sont les commanditaires de cette série d’articles contre la junte militaire, mais je commence à mieux comprendre les méthodes employées par l’Agence : j’ai mis le doigt, et même tout le bras, dans une agence de lobbying tous azimuts qui infiltre la presse…
C’est tellement énorme, tout ça, que j’ai du mal à y croire. Au point que ça me fait rigoler. Peut être par manque de morale, une sorte de cynisme froid, mais surtout par peur de manquer d’argent…
***
Cet article a été publié dans notre n°103, actuellement en kiosque. Il est mis à la disposition du public, en intégralité, et gratuitement, parce que des milliers de personnes nous achètent dans les kiosques, s’abonnent à notre journal et ainsi, nous financent. Rejoignez-les !
***
Au bout d’un mois, j’envoie ma première facture. On me dit de la mettre au nom mystérieux de « MM », société domiciliée rue de Presbourg, Paris XVIe. Le premier virement se fait attendre, mais finit par tomber. J’enchaîne avec de nouvelles commandes, du coup. Et, rapidement, je jongle entre des sujets très variés : politiques africaines, arabes et eurasiennes, déboires des géants du numérique (Airbnb, Waze), santé des grandes entreprises (EDF, Air France, LVMH), atouts de la cigarette électronique, essor des énergies renouvelables, guerre entre les mutuelles, dangers du live streaming, etc.
Mes articles sont signés Franck Barbier, Clémence Patel, Matthieu Guérin, Nathalie Dauclerc, Cécile Honoré, Daniel Fadiga, Hervé Meurice, Modeste Kante, Jean Baptiste Giraud, Laure Martin, Martin Lévêque ou encore Antoine Vesselovski.
Je suis tantôt consultant en économie, experte en géopolitique de l’énergie, journaliste écrivain gabonais, consultant en énergies renouvelables et solutions alternatives, ancienne infirmière cadre devenue consultante dans la santé, professeur d’histoire géographie spécialiste des questions africaines, chargé d’études techniques actuarielles, entrepreneur rédacteur en chef, juriste spécialisée en droit de l’internet, consultant en nouvelles technologies, auditeur risques à l’international…
Tous mes articles, tous, échouent sur des sites d’information spécialisés, alternatifs, ou sur les blogs de médias reconnus (Mediapart, Huffington Post, Les Échos…), ces espaces dont les rédactions délèguent le contenu à qui le veut. J’écris aussi, tant qu’on y est, des tribunes signées par des responsables politiques et dirigeants d’entreprise. Je m’évertue à appliquer la méthode distillée dans les briefs : présenter le sujet de manière neutre en se raccrochant à l’actualité, défendre les intérêts du client, et brouiller les pistes avec d’autres exemples, sans lien apparent. Tout cela avec la complicité des médias qui publient cette propagande déguisée. Personne ne semble remarquer le subterfuge. La recette doit être bonne…
Parmi les sujets récurrents, il y a Linky.
Le compteur communicant d’Enedis (ex ERDF) équipe désormais la plupart des foyers français. On est en 2016, ça gronde contre le petit boîtier jaune anis. Des milliers de Français s’opposent à son installation, et plusieurs maires décrètent même son interdiction dans leur commune. Ils redoutent la surexposition aux ondes électromagnétiques, l’exploitation des données collectées à des fins commerciales, les répercussions sur la facture d’électricité. Alors, il faut tuer le mouvement de contestation dans l’œuf. Et pour ça, Public Relations Agency est l’arme adéquate. On me commande des dizaines et des dizaines d’articles sur les nombreux atouts de Linky, les travaux scientifiques qui attestent de son innocuité et le respect des données collectées.
Florilège de titres : « Quand l’idéologie se bat (et s’incline) contre la science » (24heuresactu.com). « L’incompréhensible campagne de dénigrement du compteur Linky » (Planetebusiness.com). Ou encore : « Au Canada, l’expérience réussie des compteurs communicants » (Lasantepublique.fr). Parfois, le ton est plus direct : « Linky : le refus des particuliers et des communes est illégal » (Juriguide.com). Sur Contrepoints, mon article intitulé « Le compteur Linky mérite-t-il d’être aussi craint ? » déclenche une avalanche de réponses, tout comme ma tribune sur Agoravox.fr : « Linky : non, M. Lhomme, nous ne paierons pas pour vos coups de sang. »
Dans les discussions exaltées qui s’ensuivent, même les personnes incriminées (Annie Lobé et Stéphane Lhomme) y donnent leur version. Avec ces faux articles, et leurs relais sur les réseaux, je suis au cœur des débats d’actualité. Je me rassure et soigne ma conscience en me disant qu’on ne touche à rien de personnel. Qu’on reste sur des débats techniques… Je me dis, aussi, que tout ça ne va pas durer. Qu’un des autres rédacteurs – même si nous ne nous connaissons pas – va dévoiler ces méthodes. A ma grande surprise, rien ne se produit.
Voilà qu’à la même période, on me commande de plus en plus d’articles sur le glyphosate, l’agent actif du Roundup de Monsanto. Le but : décrédibiliser le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Pourquoi ? Ses rapports classent le glyphosate comme produit « potentiellement cancérigène » – au même titre que la viande rouge, la charcuterie et les boissons chaudes, c’est dire la violence de la charge… Mais c’est encore trop. Alors, dans mes titres, j’annonce la couleur. « Recherche sur le cancer : le périlleux numéro d’équilibriste du CIRC », lit-on dans mon article publié sur Lejournaleconomique.com. Sur 24heuresactu.com, je titre, finement : « Le CIRC de la recherche internationale sur le cancer. » Sur Jolpress.com, je suis un peu moins inspiré : « Le CIRC ou le règne de tout et son contraire ».
Mais y a quelque chose qui coince, là-dedans.C’est que j’ai besoin d’en parler, de tout ça. A ma compagne, en premier lieu, bien sûr. Ma compagne qui est une écolo convaincue… Je me fais engueuler, forcément. « Je t’interdis de continuer à écrire sur le sujet ! » Et je vais lui répondre quoi, moi ? Parce que là, on l’a dépassée, la limite. Je l’ai dépassée. Pris dans le système, à pisser la copie, j’en ai oublié l’essentiel : les luttes de pouvoir, les pressions derrière ces articles en apparence inoffensifs. Et leurs conséquences concrètes, à court ou long terme, sur nos vies. Je n’écrirai plus sur le CIRC, désormais, malgré les sollicitations répétées de l’Agence. Filez ça à d’autres rédacteurs…