Quand la médiocrité fait alliance avec la lâcheté tout en se proclamant souverainiste et patriote, il ne nous reste plus que le rire pour se détendre et ne pas prendre tout ceci très au sérieux. Une chose est certaine, cette dynamique ne peut être pilotée que par le seul réseau qui peut se le permettre : la mafia maçonnique.
À la Une de l’Express, les « démons de la droite »: Zemmour, Buisson et Villiers. Leur objectif, dynamiter la vieille droite incarnée par Sarkozy et Juppé au profit d’un souverainisme réac et décomplexé. Tout indique que la menace est à prendre au sérieux.
Les Démons de la droite sont à la une. Telle l’horloge (comme le club ?) de Baudelaire le trio sinistre, effrayant et impassible, est présenté par L’Express de la semaine comme visant à « dynamiter » le tandem Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Eric Zemmour, Patrick Buisson et Philippe de Villiers comploteraient dans ce but ultime. Il s’agirait de changer le logiciel de la droite en mettant hors-jeu ses incarnations politiques actuelles. A savoir Nicolas Sarkozy, le politique à l’américaine aux errements idéologiques inconstants, et Alain Juppé, le pur produit de la filiation honnie de Gaulle-Pompidou-Chirac, dernier avatar d’une droite libérale réduite à la conservation tranquille. L’enquête de L’Express révèle que le trio démoniaque déjeune régulièrement dans un restaurant de Montparnasse. Forts des ventes de leurs derniers ouvrages (300.000 exemplaires pour Le Suicide français, 50.000 pour Le Moment est venu de dire ce que j’ai vu), avec Patrick Buisson en appui, Eric Zemmour et Philippe de Villiers s’interrogeraient sur le point de savoir comment traduire en politique active leur succès métapolitique, reflet de l’état d’esprit d’une partie de l’opinion. Comment faire entrer dans le rapport de force politique réel cette « Droite hors les murs », selon l’expression forgée par Patrick Buisson lui-même? « Ce qui va se passer aura lieu en dehors des partis. Une nébuleuse prend corps. Si nous pouvons, chacun dans notre registre, contribuer à accélérer ce phénomène, nous aurons accompli notre devoir » prédit Patrick Buisson dans L’Express. Et de rappeler que tout est né avec l’apparition d’un « populisme chrétien » incarné par tous les mouvements conservateurs mobilisés par le combat contre le Mariage pour tous et coagulant tous les partisans de la France du « C’était mieux avant ».
Les ponts sont jetés entre souverainistes
Depuis quelques mois, des passerelles sont jetées entre souverainistes de tous bords. Les exemples abondent. Les mains se tendent. Les grands esprits se rencontrent. L’Express rappelle combien les lieux de drague intellectuelle entre réactionnaires et souverainistes, réels ou virtuels, abondent, citant notamment l’incontestable succès de la plate-forme Figarovox, où se mélangent les écrits des souverainistes de tous bords. De même, les auteurs de l’enquête, Eric Mandonnet et Tugdual Denis, pointent l’émergence fulgurante de nouveaux relais médiatiques de la pensée réaco-souverainiste, « hors les murs » de la droite partisane, mais disposant, en un temps record, d’une exposition audiovisuelle maximale. Ils décryptent à la perfection l’irruption brutale de la journaliste « catho tradi » Eugénie Bastié. Portée par l’air du temps, cette dernière, en une apparition dans l’émission de Frédéric Taddéi (toujours avide de découvrir de nouveaux talents) sur France 2, a déstabilisé le vieux Maitre Jedi social-démocrate Jacques Attali, dépassant en quelques instants son vieux Maitre Sith en réac’ attitude, Elisabeth Lévy. Oui, les ponts sont jetés entre souverainistes des deux bords. On écrit. On débat. On échange. On se voit. Par exemple, selon nos informations, Michel Onfray a diné récemment en compagnie de Philippe de Villiers, au vu et au su de tout le monde, dans un restaurant parisien, La Cagouille, réputé pour ses poissons. Et cela fait sens, car il n’y pas si longtemps Onfray a plaidépour une grande alliance entre souverainistes des deux rives en des termes qui recoupent l’analyse du trio Zemmour/Buisson/Villiers : « On se dit que peut-être l’idée est bonne – et moi je pense qu’elle est bonne – de fédérer les souverainistes des deux bords. (…) je pense qu’il ne faudrait pas tant s’intéresser à des partis qu’à des individus. Et un individu qui serait au-dessus des partis mais qui défendrait un souverainisme et qui serait capable de faire cette synthèse, je pense que cet individu aurait des chances de peser lourd dans une élection présidentielle ». Le trio des démons de L’Express contemple ces nouvelles émergences, convergences, confluences et accointances. Comment n’en tirerait-il pas la conclusion qu’un espace politique est ouvert et que Nicolas Sarkozy et Alain Juppé, produits politiques d’une autre époque, ne le couvrent pas? Or, là où il y a un espace, il doit y avoir un candidat. Ajoutons encore un élément au débat. Il y a quelques semaines, le journaliste de Valeurs actuelles Geoffroy Lejeune a publié un livre qui, dans le contexte actuel, prend une dimension particulière. Sous forme de politique fiction, y était narrée la campagne présidentielle victorieuse d’un certain Eric Zemmour, soutenu par un certain Patrick Buisson.
Le trio sème le trouble
Plus on avance dans le temps, plus ce roman parait annonciateur de ce qui pourrait bien se produire, dans les semaines où les mois qui viennent. Il y est décrit, presque comme une provocation, un scénario dont bien des aspects deviennent de plus en plus crédibles à mesure que le temps passe. Le ralliement de Jean-Marie Le Pen à Zemmour pour se venger de sa fille. Celui de Natacha Polony. De Jean-Pierre Chevènement. De Michel Onfray. Et de bien d’autres encore, telle Frigide Barjot. Soit le scénario que paraît commencer à mettre en scène le trio des Démons de la droite. Le trouble est là. Le seul obstacle à une réelle candidature Zemmour pourrait être Dupont-Aignan, qui occupe actuellement le créneau souverainiste à droite, mais ne parait pas en situation d’établir vers la gauche les passerelles nécessaires à la constitution de l’arc souverainiste déclivant droite et gauche. Qu’à cela ne tienne. Dans le livre de Lejeune, il est expliqué comment Patrick Buisson, fort de ses éternels sondages, parvient à obtenir le retrait de Dupont-Aignan tout en récupérant au passage le listing des élus lui ayant permis d’être candidat à la Présidentielle 2012… Oui, répétons-le, tout cela est troublant… Le fait est que si une candidature de cette nature, portée par Eric Zemmour, venait à se concrétiser, Nicolas Sarkozy comme Alain Juppé pourraient nourrir de légitimes inquiétudes. Européistes. Atlantistes. Libéraux… Ils seraient l’un comme l’autre la cible idéale du candidat de la synthèse souverainiste. Situation à haut risque, dans un contexte où il apparaît que l’on se dirige droit vers une Présidentielle de type 2002: des grands candidats qui n’emballent pas ; des petits candidats multiples pouvant se présenter avec l’aide des grands candidats espérant ainsi dévitaliser un autre grand candidat ; la dispersion des voix enfin, menant à l’affaiblissement au soir du premier tour, voire à l’élimination… Ajoutons à cela le poids de la télévision d’information continue et de l’internet, mille fois plus considérable qu’en 2002, et qui peut permettre à un candidat comme pourrait l’être Zemmour de faire campagne sans avoir recours à des meetings onéreux.
Le vrai danger pour Sarkozy ou Juppé
En 1981, il avait suffi à Marie France Garaud, candidate gaullienne et souverainiste, de quelques passages télévisés (sur les seules trois chaînes de l’époque) pour obtenir 1.33% des voix et démolir par le verbe le candidat Giscard d’Estaing. Imaginons un Zemmour, fort de la puissance des moyens de communication modernes démultipliés, se lançant dans l’aventure présidentielle: comment ne pas conclure que cette candidature, défendue par un essaim de créatures audiovisuelles inventées par une télévision en mal de réactionnaires transgressifs supposés vecteurs d’audience, ne soit pas en situation de « dynamiter » un Sarkozy ? Zemmour, combien au premier tour? 3%? 5%? Plus encore? Autant de voix qui n’iraient pas à Sarkozy (ou Juppé) et risqueraient de les sortir du second tour de la Présidentielle. Voter Zemmour , ce pourrait être le vote réactionnaire et souverainiste de ceux qui ne veulent ni de Sarkozy ou Juppé, et permettait d’éviter le vote Le Pen, encore trop trash aux yeux de certains. Là réside le vrai danger pour un Sarkozy ou un Juppé.
Bruno Roger-Petit