Les étudiants en médecine se réveillent en France et c’est une excellente nouvelle. On ne peut pas laisser des enseignants stipendiés par Big Pharma continuer de faire la promotion de médicaments inutiles et très couteux sans déclarer leurs liens d’intérêts. On ne peut pas laisser des professeurs et enseignants de médecine prescrire des médicaments avec un service médical rendu nul juste pour engraisser le laboratoire qui le paie ! C’est criminel pour les patients, sachant que le médicament prescrit est inutile avec en général des effets secondaires non négligeables, voire importants !
Reste à élargir ce réveil salvateur à toute la France…
À la suite de la publication de notre 3e classement des facultés de médecine, mesurant la mise en application de la charte éthique de la Conférence des doyens sur l’intégrité scientifique et l’indépendance par rapport aux firmes, nous relayons un article paru dans le journal des étudiants en médecine de Nice qui pose la question de l’indépendance des enseignants, des supports d’enseignements et de la qualité des informations dispensées aux étudiants.
Nous en profitons pour rappeler que ce n’est pas la première fois que ce débat est posé, notamment grâce aux étudiants.
En 2009, un étudiant d’Harvard s’est rendu compte que l’enseignant faisant les cours sur les anticholestérolémiants avaient 10 contrats avec des industriels du médicament, dont 5 concernant cette classe de médicament, ce qui pouvait expliquer pourquoi ces médicaments étaient présentés sous un angle très positif, en minimisant leurs effets secondaires. L’indignation de cet élève mobilisa d’autres étudiants et des enseignants d’Harvard comme Marcia Angell, ancienne rédactrice en chef du New England of Journal, d’autant que l’enseignant n’avait pas déclaré ses liens d’intérêts. Cet événement fut rapporté par le New-York Times.
On pourrait aussi par exemple mentionner le cas de cet autre enseignant au Canada pour les traitements antidouleurs cette fois, étudié dans un article du Journal of Medical Ethics dont voici la conclusion : « Ce cas démontre la nécessité de meilleures stratégies pour prévenir, identifier et traiter les interactions problématiques entre l’industrie pharmaceutique et la formation médicale de premier cycle. Celles-ci pourraient inclure l’évitement des conflits d’intérêts inutiles, une plus grande divulgation des conflits, un processus ouvert pour traiter des problèmes reconnus et des politiques de conflit d’intérêts harmonisées au niveau international. »
L’article des étudiants de Nice invite à penser que nous serions sans doute bien inspirés de suivre ces recommandations en France.Devenez un Adblock en cours
Connaissez-vous la différence entre un élève de prépa et un étudiant en médecine ?
Demandez-leur d’apprendre l’annuaire par cœur. Le premier vous demandera pourquoi et le second, pour quand ?
Et si on arrêtait de prendre pour argent comptant ce que disent les profs et les bouquins et qu’on commençait à réfléchir un peu : « pourquoi » on nous parle de ça plutôt que « pour quand » on doit le connaître ?
On remet peu en cause nos professeurs et leur savoir, cependant si les règles éthiques étaient respectées on douterait un peu plus de leur enseignement…
En effet selon la charte éthique et déontologique des facultés de médecine d’octobre 2018 : « les enseignants doivent communiquer aux étudiants leurs liens d’intérêts en préambule aux enseignements qu’ils délivrent, quelle que soit leur nature (écrite, orale, en ligne). »
Par liens d’intérêts on entend avantages et conventions (ex : congrès à Las Vegas tous frais payés) ou rémunérations brutes (des euros direct sur le compte). Et au vu des liens d’intérêts de la plupart de nos profs (consultable sur eurosfordocs.fr) on comprend pourquoi ils n’en parlent pas aux débuts des cours…
ex : Un des professeur de cardiologie de la Fac a touché environ 150.000€ ces 4 dernières années des labos pharmaceutiques.
Le professeur X rémunéré un montant Y par le labo Z est-il en mesure d’être indépendant pour affirmer les qualités du produit du labo Z et de le recommander aux étudiants ? (SPOILER, la réponse est non) (1)
Même problème pour les professeurs qui écrivent les collèges pour l’externat. Par exemple dans le collège de cardio en deuxième ligne pour l’insuffisance cardiaque on propose le sacubitril/valsartan du labo Novartis qui coûte 70,64€ à la place d’un IEC à 3,33€ la boîte alors que son ASMR est de IV (tmtc on a vu en p1 : mineur). Novartis a financé à hauteur de 3400€, ce même prof de cardio de Nice, qui est aussi rédacteur de ce collège… (2)
Notre support de cours nous dit que ce médicament est efficace en s’appuyant sur une seule étude, sans aucune nuance ni mention des effets secondaires encore peu connus que mettent en avant des médecins indépendants (3). Par le passé les collèges ont dû revenir plusieurs fois sur leurs déclarations pour cause de conflits d’intérêt (4).
Ainsi on voit la nécessité de rester attentif et de réfléchir lors de notre éducation médicale. On ne va pas juste apprendre des annuaires par cœur toute notre vie : et c’est bien plus stimulant ! On doit être actif : faire notre propre enseignement, s’informer, être curieux et critique ! Même face au Pr. et au spécialiste !
À Harvard des étudiants ont lancé le débat sur l’indépendance au sein de leur faculté à l’occasion d’un cours très partial sur les statines réalisé par un professeur payé par les labos des statines… Donc restons tous attentifs à l’enseignement qu’on nous propose et n’apprenons pas les yeux fermés ! (5)
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Proposition de lecture et sources :
Le livret de la troupe du RIRE gratuit sur internet : le minimum d’info pour tout futur médecin +++
Vidéos d’un jeune médecin inspirant : https://www.youtube.com/watch?v=WCw9OHR1Hlc (Entretien FormIndep Louis-Adrien Delarue)
Pourquoi c’est dangereux : Caplovitz A. (2006) Turning medicine into snake oil (=produit de santé frauduleux): how pharmaceutical marketers put patients at risk. NJPIRG Law & Policy Center, US (https://www.njpirg.org, accessed 17 April 2009)
(1) Chren MM, Landefeld CS (1994). Physicians’ behavior and their interactions with drug companies. A controlled study of physicians who requested additions to a hospital drug formulary. JAMA, 271(9):684-689
(2) cf eurofordocs.fr, le collège des enseignants en cardiologie, et pourquoi ces cadeaux sont-il un problème il y a des articles comme celui-ci : Katz D, Caplan AL, Merz JF (2003). All gifts large and small: Toward an understanding of the ethics of pharmaceutical industry gift-giving. American Journal of Bioethics, 3(3):39-46 ou celui-ci : Goupil B, Balusson F, Naudet F, Esvan M, Bastian B, Chapron A, et al. Association between gifts from pharmaceutical companies to French general practitioners and their drug prescribing patterns in 2016:retrospective study using the French Transparency in Healthcare and National Health Data System databases. BMJ. 2019 Nov 6;367:l6015.
(3) Pour l’efficacité et le positionnement de ce médicament : Insuffisance cardiaque : d’abord les médicaments mieux éprouvés Revue Prescrire 2016
(4) Dyslipidémies : face au doute sur l’impartialité de certains de ses experts, la HAS abroge sa recommandation. Haute Autorité de Santé. Accessed August 5, 2020.
(5) Duff Wilson, Harvard Medical School in Ethics Quandary New-York Times March 2009
15 avril 2021