Jean-François Bergmann, médecin hospitalier : « Indirectement, ce sont les labos qui font et défont nos carrières »

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Jean-François Bergmann, médecin hospitalier, ancien vice-président de la commission de mise sur le marché de l’Agence française du médicament.

Tout est dit encore une fois par un professionnel de santé, un médecin chef de service : Big Pharma, donc le CAC40, contrôle tout ou presque.


Chef du service de médecine interne à l’hôpital parisien Lariboisière, le professeur Jean-François Bergmann a été vice-président de la commission de mise sur le marché de l’Agence française du médicament (ANSM, ex-Afssaps). Interview : 
Qu’en est-il des conflits d’intérêts entre labos et médecins ?
C’est un problème important, car les grands praticiens hospitaliers, que les labos appellent les «leaders d’opinion», peuvent orienter les prescriptions des médecins. C’est d’autant plus délicat qu’il est très difficile de mesurer à quel point ces liens avec les labos influencent la position de tel ou tel médecin.
Pourquoi sont-ils si répandus ?
Indirectement, ce sont donc les labos qui font et défont nos carrières. Pour avoir de l’avancement et des budgets de recherche, un praticien hospitalier doit signer des publications scientifiques. Pour cela, il faut participer aux essais cliniques, qui sont presque tous réalisés par l’industrie, faute d’argent public. Pour la même raison, ce sont les labos qui financent les formations et les frais de participation aux congrès. Ils profitent du vide laissé par les organismes publics pour occuper le terrain.
Que faudrait-il faire ?
Les budgets publics devraient être revus à la hausse. Il faudrait aussi que les médecins qui travaillent, presque bénévolement, pour les agences, soient aussi valorisés dans leur carrière que ceux qui collaborent avec les labos. Avec des collègues, on s’est battus pendant vingt ans pour cela, sans succès. Il y a une résistance de la hiérarchie universitaire, qui considère qu’expertiser un médicament, ce n’est pas de la recherche. C’est pourtant un sujet majeur : un médecin reconnu scientifiquement et financièrement est moins fragile.
Y a-t-il une amélioration depuis le scandale du Mediator ?
Au niveau des agences, c’est clair. Il y a une plus grande transparence, avec la diffusion en vidéo des réunions, et une meilleure prise en compte des liens d’intérêts pour renforcer l’indépendance. Maintenant, il faut accélérer la réévaluation des vieilles molécules et renforcer la pharmacovigilance [la détection des cas d’effets secondaires, ndlr], qui est tout sauf béton en France. Et attention de ne pas remplacer les liens d’intérêt par des liens de subordination aux politiques.
Que pensez-vous de la récente loi qui oblige les laboratoires pharmaceutiques à publier ce qu’ils versent aux médecins ?
Elle est insuffisante, car le gouvernement a cédé à la demande des labos, qui voulaient que les rémunérations les plus importantes (essais cliniques, contrats de conseil) restent secrètes. Du coup, quand un labo fait une présentation dans mon service et invite les internes à déjeuner pour 17 euros par tête, c’est public. Par contre, si je deviens consultant pour 20 000 euros, on ne le saura jamais !
Les mentalités ont-elles changé ?
Depuis les récents scandales, tout le monde est plus prudent. Le labo GSK a par exemple annoncé qu’il ne rémunérerait plus les médecins pour promouvoir ses produits. Mais il y a encore des efforts à faire, y compris chez les médecins. Quand des professeurs sont payés par un labo pour parler d’un médicament à un congrès, il peut arriver qu’ils nous enfument. Mais avoir un esprit critique vis-à-vis de ces praticiens prestigieux n’est pas dans notre culture. Il y a dix jours, j’étais invité à la journée des diabétologues libéraux, financée par un labo. J’ai dit à ces collègues qu’ils devaient bosser pour se faire leur propre analyse critique de l’information sur les médicaments, et […].


Yann Philippin – Libération

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