Monsieur Tsipras va probablement parvenir à trouver péniblement, une majorité alternative pour faire voter la potion européenne par le parlement grec. Soit des mesures qui sont à l’exact opposé du programme électoral de Syriza et sont encore plus dures que celles que le peuple grec a refusé à 60% lors du référendum. Quant à l’avenir de Mr Tsipras comme premier ministre, il est plus qu’incertain.
Comment en est-il arrivé là ? Le fait est que Mr Tsipras s’est retranché derrière l’argument qu’il n’existe aucune clause dans les traités européens pour exclure un pays de la zone euro et donc que la Grèce ne risquait rien. Est-ce par naïveté ou pure ignorance financière (ou n’est-il qu’un cheval de Troie ?) mais il aurait dû savoir que ce ne sont pas les politiciens qui décident mais l’oligarchie financière derrière les banques centrales. Mr Tsipras a sous-estimé l’impact destructeur majeur sur la population grecque que pouvait avoir la vue de banques durablement fermées parce que la Banque Centrale Européenne (BCE) a refusé d’augmenter le débit de liquidités vitales. Le parlement grec va probablement voter « n’importe quoi » ce mercredi dans l’espoir que les banques grecques puissent rouvrir et fonctionner comme avant.
Hélas, Mr Tsipras devrait pourtant savoir que les banques fonctionnent sous réserve fractionnaire : seule une fraction des dépôts existe sous forme de billets de banque et pour qu’une banque s’en procure afin d’alimenter les guichets ou les distributeurs, elle est obligée de les acheter auprès de sa banque centrale. Et là se posent deux problèmes :
– Est-ce que la banque centrale veut bien lui en vendre ?
– Comment peut-elle se procurer de l’argent pour payer ?
Pour simplifier un peu et de manière imagée, il faut savoir que la Grèce ne peut plus s’approvisionner directement auprès de la BCE à Francfort mais doit utiliser le magasin local (la banque centrale grecque sous la forme du programme d’urgence ELA). Les ventes totales sont plafonnées et lorsque le plafond est atteint le magasin grec ferme. Pour payer des billets, une banque commerciale doit d’abord emprunter auprès de sa banque centrale, une monnaie spéciale utilisée entre les banques commerciales et les banques centrales (mais qui reste au sein de l’Eurosystème et ne peut pas être utilisée par les particuliers ou les entreprises). Une banque centrale prête cette monnaie de banque centrale, à condition que l’emprunteur donne un gage financier (comme un particulier qui contracte un crédit hypothécaire doit mettre sa maison en gage). La quantité de gages financiers que doivent donner les banques grecques pour emprunter la monnaie spéciale qui permet d’acheter des billets est un grand secret, on sait juste que la banque centrale grecque (sous ordre de la BCE) est devenue plus exigeante.
Il suffit que face « à l’incertitude politique » la BCE décide d’augmenter le montant des gages nécessaire pour les prêts existants, pour qu’aucune banque grecque n’ait encore assez de gages pour répondre à cet appel de marge sans faire défaut (ceci sans même que la BCE n’augmente le plafond de liquidité). Selon les estimations de Barclays (voir graphique ci-dessous), avant le 6 juillet les banques disposaient d’une marge représentée par la barre de gauche en gris clair. Le 6 juillet, la BCE a exigé plus de collatéral et a réduit cette marge représentée actuellement par la barre en bleu clair. Draghi peut parfaitement, sournoisement, augmenter encore la quantité de gages nécessaire, ce qui ne laisserait aucun moyen pour les banques grecques de se procurer des liquidités même si la BCE devait rehausser le plafond disponible !
De plus, Alexis Tsipras a finalement obtenu que le fonds qui va vendre 50 milliards d’actifs grecs privatisés (aéroport, compagnie d’électricité, banques !, etc) soit situé en Grèce sous supervision européenne. La moitié de ce montant est destiné à recapitaliser les banques grecques le plus vite possible. Outre le temps nécessaire pour effectuer ces ventes, le gros problème c’est que selon le FMI il n’y a plus d’acheteurs pour de tels montants. C’était éventuellement possible en 2011 (courbe verte) mais actuellement ces actifs ne valent même pas 10 milliards de USD (courbe bleue).
Autrement dit, l’avenir des banques grecques, entièrement dans les mains de Mr Draghi est extrêmement sombre.
Pour ceux qui pensent que la Grèce ce n’est pas la France ou l’Italie, le graphique (*) ci-dessous montre qu’il y a 8 ans la Grèce avait le même niveau d’endettement relatif que la France actuellement et la dette italienne a juste 5 ans d’avance sur la dette grecque…
(*) source http://www.les-crises.fr/iens-la-dette-de-la-france-est-au-niveau-de-la-dette-grecque-dil-y-a-8-ans/