Le syndrome d’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques vient enfin d’être reconnu par une décision de justice, ce qui constitue en soi une grande première et ne manquera pas de faire jurisprudence. La victime est loin d’être un cas isolé, car ce syndrome constitué de symptômes divers et variés, pouvant même être handicapants comme c’est la cas ici, tend à se répandre à la vitesse de la prolifération des antennes dans le paysage hexagonal.On peut parler de rançon du progrès. L’association « Robin des Toits », qui milite pour la sécurité sanitaire, dans les technologies sans fil, pavoise, car elle estime qu’il s’agit là d’une première grande victoire. Entre les pro ondes et les anti-ondes, la guerre fait néanmoins rage par experts interposés. Nul ne peut nier l’éclosion de cette nouvelle pathologie, en rapport avec la pollution de l’environnement. On parle désormais de pollution électromagnétique.
Un tribunal de Toulouse a reconnu une hypersensibilité aux ondes électromagnétiques pour une femme qui vit recluse dans les montagnes depuis 2010.
Depuis 2010, Marine Richard, ancienne journaliste de 39 ans, vit recluse dans les montagnes. En cause : une hypersensibilité aux ondes électromagnétiques. Elle se traduit par des maux de tête, picotements, troubles du sommeil, des symptômes divers, transitoires et communs à de nombreuses autres affections. Face au cas de Marine Richard, la justice française a tranché : l' »électrosensibilité » est reconnue comme un handicap. Officiellement, l’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques n’est pas reconnue en France comme une maladie, et fait l’objet de controverses entre experts. Pourtant, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a reconnu dès 2005 l’existence de cette électrosensibilité, qui se « caractérise par divers symptômes non spécifiques qui diffèrent d’un individu à l’autre » mais qui « ont une réalité certaine et peuvent être de gravité très variable ». Il n’existe ni critères diagnostiques clairs pour ce problème sanitaire, ni base scientifique permettant de relier les symptômes à une exposition aux champs électromagnétiques, ajoutaient les auteurs de l’étude de l’OMS.
Marine Richard reconnue en situation de handicap
En 2014, un homme souffrant d’électrosensibilité s’était toutefois vu accorder une aide financière pour sa pathologie par la Maison départementale des personnes handicapées de l’Essonne. Mais il s’agissait d’un accord à l’amiable avec cette administration spécialisée. De son côté, Marine Richard avait été déboutée par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes en situation de handicap de l’Ariège. En avril 2014, l’ancienne journaliste a décidé de déposer un recours. Et le Tribunal du contentieux de l’incapacité de Toulouse lui donne raison. Dans un récent jugement, le Tribunal reconnaît, après expertise médicale, que la plaignante souffre du syndrome d’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques dont « la description des signes cliniques est irréfutable ». Dans ce jugement, il est estimé que sa déficience fonctionnelle est de 85% « avec restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi ». La justice lui accorde en conséquence le droit à une allocation pour adulte handicapé pour trois ans, éventuellement renouvelable, sous forme d’aide technique et d’aménagement de son logement.
Vers une jurisprudence ?
Étienne Cendrier, porte-parole de Robin des Toits, association qui milite pour la sécurité sanitaire dans les technologies sans fil a applaudi : Cette reconnaissance par la justice est une grande première en France. Il s’agit d’un grand pas en avant pour la reconnaissance de ce syndrome d’électro-hypersensibilité ; la Justice – comme souvent – est en avance sur les politiques. » Étienne Cendrier espère que le jugement de Toulouse fasse jurisprudence. La France paraît bien en retard : la Suède, l’Autriche et l’Allemagne ont déjà reconnu que les pathologies attribuées aux ondes sont une véritable maladie. Mais en France, les mesures de précautions ne sont pas du goût des opérateurs. Elles freinent les profits et angoissent inutilement les consommateurs. Aujourd’hui en France, on compte environ 150.000 antennes-relais. Or, pour se limiter au seuil recommandé d’exposition de 0,6 volt maximum par mètre, il faudrait multiplier par trois ce nombre, a calculé le Copic, un comité opérationnel mandaté par le Grenelle des ondes en 2009. Or, si 90% du territoire est situé en dessous du seuil de 0,7 volt/ mètre, précise le Copic, 9% du territoire va jusqu’à 2,7 volts/mètre !
Maladie environnementale ou croyance ?
D’ici 2016, le débat continuera de faire rage entre les « pro » et « anti-ondes ». D’un côté, ceux qui se présentent comme les héritiers des Lumières et considèrent, à l’instar du professeur André Aurengo, 64 ans, membre de l’Académie de Médecine, que « le rayonnement des ondes électromagnétiques n’a aucune incidence sur la santé ». Spécialiste de médecine nucléaire à la Pitié-Salpêtrière, il est catégorique : Plus de 30 études en double aveugle ont été menées dans le monde et, à chaque fois, il apparaît que les patients ne ressentent pas les effets des ondes. Les gens cherchent des explications à leurs maux sur internet et se raccrochent à l’électrosensibilité comme à une croyance. » A l’opposé, le professeur Dominique Belpomme, 70 ans, cancérologue, rejette ce procès en sorcellerie. Il considère que l’électrosensibilité fait partie des nouvelles maladies environnementales, au même titre que les pathologies dues à l’amiante, aux pesticides et autres perturbateurs endocriniens. A tous ceux qui l’accusent de charlatanisme, il rétorque : Pasteur aussi était regardé avec méfiance par ses confrères jusqu’à ce qu’il découvre les microbes ! »
B.M. avec AFP