Les États-Unis insensibles à l’Europe
La remontée du taux de chômage aux États-Unis, couplée avec l’instabilité du coût de l’énergie, l’érosion de l’emploi des entreprises moyennes, la montée du coût du crédit de 6%, est une raison d’inquiétude populaire, et la politique extérieure se doit de contrôler pareil affaiblissement et évitant la concurrence par empêchement de formations larges, comme le serait cette Europe continue “de l’Atlantique à l’Oural” qu’évoquait De Gaulle, ou mieux le publiciste et président des opticiens de Belgique, jadis, Jean Thiriart (1922-1992) éditeur du périodique la Nation européenne, “de Brest à Vladivostock”. Cette Europe, à supposer qu’elle ait une tête politique, pourrait entraîner le marché mondial, naturellement au détriment de ce contrôle des USA et de l’Angleterre sur le monde que l’on entend par le Nouvel Ordre Mondial, terme en soi inexact car il s’agit pour les cercles en question d’empêcher que se forme un ordre, mais bien plutôt que se poursuivre la maintenance d’un chaos .
Cette perspective est bien présente dans la conférence de presse tenue à “The Chicago Council on global affairs”, le 4 février 2015 par George Friedman (né en Hongrie, de lignée juive, en 1949), président directeur général de la société du renseignement Strattfor située au Texas. Il s’agit de la résumer en faisant ressortir qu’il affiche ouvertement l’opinion, en répondant à une question de journaliste, que les États-Unis se désintéressent de l’Europe, ce qui signifie, contrairement à une idée reçue, qu’ils œuvrent à la construction européenne. Pour lui, Europe ne veut rien dire au regard de la diplomatie américaine, et qu’elle ne reconnait que des pays, la Roumanie, la France, la Pologne etc. et sur cette lancée il montre sur une carte la formation des pays baltes à l’Ukraine d’une zone peinte en verte formant – et là est l’objectif US et de ce qui est sous sa protection – un glacis, une vaste zone tampon groupant donc la Pologne… séparant la Russie de l’Allemagne. Et à cet égard Friedmann a raison de souligner que cet objectif a été une constance depuis un siècle de la politique américaine, qui est du reste anglo-américaine. Il dit craindre que l’Allemagne dont il sait la force de travail et d’invention, la capacité de métamorphose technique ne s’allie avec la Russie; il cit l’emploi de l’ex chancelier Schroeder dans une société proche de Gazprom etc. ne forme une union avec la Russie, et les petits pays satellites de la Soviétie, où sont au pouvoir les communistes d’antan, de sa propre communauté, avec d’autres costumes et le même vide intellectuel, le goût de la corruption et des liens personnels constants avec les USA ainsi que la Bulgarie en offre un exemple, sont appelés à se rassembler sous la férule militaire US. Friedman cite ainsi le général Hodges, commandant les armées américaines en Europe, distribuant des médailles US à l’armée ukrainienne et se conduisant en pays conquis en Lituanie. Il le trouve naturel, car ces territoires ont été vidés de toute substance par l’occupation soviétique, les élites massacrées et médiocrité au pouvoir ; cette zone intermédiaire séparée de l’Europe politique autour de cet axe qui tourne, depuis la fin du prétendu Moyen-Age entre le Danemark et l’Italie du Nord, et formait le moteur du développement, sera donc une manière de priver l’Europe et la Russie d’une entente durable. Nous l’avons expérimenté en Europe au début de la guerre de 1914 quand la Russie a procédé à une mobilisation générale un mois avant l’attentat de Sarajevo, poussée par l’Angleterre, et la répétition de cette situation est trop connue pour être rappelée ici.
“C’est cynique, c’est amoral, précise Friedman, mais ça marche“.
Il est de bon ton de mettre en avant nos indépendances, comme cette France de la Belle époque, où nous représentions le pays s’étendant jusqu’en Asie, mais il faut y ajouter une précision fournie par le Président De Gaulle, “mais on ne se développait pas” ! Nous étions transis devant notre voisine d’outre-Rhin qui avait sur le plan social une mise en place d’une assurance ou sécurité sociale dès 1884 et les années suivantes, au point qu’un témoin breton au reste nationaliste ou autonomiste, travailleur volontaire en 1941 à Berlin se vit apprendre par son médecin – du reste juif – qu’il consultait après un accident de travail, pour aller en réclamations contre son patron imprimeur, que les Allemands célébraient alors le cinquantième anniversaire de la Sécurité Sociale.
Le système américain, comme britannique est fragile car il repose sur une conjoncture favorable, il n’en est pas de même de l’Allemagne-Autriche, et de ceux qu’elle entraîne, et il est malheureux de constater que depuis l’été 1914 nous n’avons pas bougé de l’abîme qui nous attire et où nous allons plonger pour la troisième fois. Et plus nous attendrons, plus la chute sera horrible !
Le fielleux Friedmann précise à son auditoire combien il bénéficie de la stupidité de ses victimes, en montrant sans peine l’infériorité numérique de l’armée américaine engagée par exemple en Irak : il suffit de démolir et de créer les éléments d’une lutte civile perpétuelle ! L’Empire britannique aux Indes ne consista pas à occuper tout le pays, mais avec une poignée d’officiers et de troupes de contrôler des luttes internes entres états indiens. Ce fut le cas de la lutte entre l’Irak et l’Iran, où deux forces militaires se heurtèrent au bénéfices des USA.
Ce même milieu hongrois qui répandit la terreur rouge et accueillit l’Armée rouge est installé sur le trône des USA comme du Royaume Uni : il nous averti de sa stratégie et du sort qu’il nous promet, et si nous ne le voyons pas, c’est que nous le méritons, par la volonté de Dieu. “C’est cynique, c’est amoral, précise Friedmann, mais ça marche“.