6 ans après l’éclatement du scandale du Mediator, on dénombre 2000 morts, des dizaines de milliers de victimes livrées, sans défense, à leurs bourreaux ; c’est même un trouble à l’ordre public. Ainsi s’est exprimée Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest au micro de RTL. Celle qui a tiré la sonnette d’alarme et a alerté les médias, déplore qu’aucun coupable n’ai été traduit devant les tribunaux. Il y a, dit-elle, un système qui permet une protection de la criminalité à col blanc qui est extraordinairement inquiétante ; la justice est complètement asphyxiée par des manœuvres dilatoires et qui font, en fait maintenant, office de défense.
Nous n’avons cessé durant toutes ces années d’exprimer les mêmes remarques et les mêmes préoccupations sur notre site. À ce titre, nous ne pouvons qu’adhérer à cette analyse pertinente, honnête et courageuse, car la santé ne doit en aucun cas faire l’objet d’un business aussi infâme.
La pneumologue au CHU de Brest dénonce des institutions bloquées et une justice embourbée. L’affaire du Mediator a causé 2.000 morts et des dizaines de milliers de victimes.
Le scandale du Mediator et, plus récemment l’affaire de la Dépakine, un antiépileptique à l’origine de malformations congénitales suscitent de plus en plus de méfiance chez le consommateur. Ce phénomène a poussé Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, à alerter sur les risques du Mediator. Son action ne s’arrête pas là, puisqu’elle a contribué à l’ouvrage de Jean-Christophe Brisard et Antoine Béguin, Effets secondaires : le Scandale français, en librairie le 10 mars prochain. Irène Frachon se dit heureuse d’avoir participé à ce livre, car il s’agit d’une « enquête majeure ».
Selon la pneumologue, la France est loin d’avoir tiré des leçons de l’affaire du Mediator. « Les victimes sont livrées à leurs bourreaux pratiquement sans défense », alerte-t-elle. Cette affaire est « un véritable scandale », qu’Irène Frachon associerait presque à un « trouble à l’ordre public ». Six ans après, elle constate avec amertume que « les coupables courent toujours » et « qu’aucun procès pénal » n’a été signalé. La pneumologue dénonce donc une « justice asphyxiée par des manœuvres dilatoires, qui maintenant font office de défense ». Une véritable inquiétude se ressent face à un système qui permet une protection de la criminalité.
Des effets secondaires passés sous silence
La pneumologue pointe deux phénomènes majeurs : le médicament est devenu un « objet de consommation », où se trouvent « des intérêts industriels et financiers majeurs ». Selon elle, le pays est face à une dissimulation des faits, qu’elle appelle de « façon provocante, le ‘complexe médico-industriel’« . Ce complexe a « tout intérêt à minimiser les effets secondaires et à grossir les effets bénéfiques », explique-t-elle.
Néanmoins, les intérêts économiques ne semblent pas être la seule cause. Irène Frachon souligne des « mailles de contrôle » encore « trop lâches ». Pour ce qui est de l’affaire de la Dépakine, 450 malformations ont été identifiées, prouvant que « des femmes ont pu porter des enfants sans en être averties ». Pour contrer ce phénomène, Irène Frachon propose d’informer sur des effets, à la fois bénéfiques et secondaires. Pour continuer à sauver des vies, il est nécessaire que la branche médicale « puisse rétablir une confiance, qui passe par l’apprentissage et la formation aux effets secondaires ».
Une surmédicalisation dangereuse
La pneumologue constate une surconsommation de médicaments, car « les prescripteurs sont sous l’influence et le marketing des firmes pharmaceutiques ». Elle déplore une formation des consommateurs qui n’est pas suffisamment « solide », créant une « vision utopiste du médicament ».
Une fois de plus, Irène Frachon exprime son inquiétude lorsqu’elle constate une mise en place sur le marché de « dispositifs médicaux où la promotion est supérieure à toutes les précautions que l’on devrait prendre ». Selon elle, la santé n’est pas un business. « On fait cela pour la science, pour le bien de l’humanité ».
Yves Calvi / Ana Boyrie