Être médecin, dentiste ou pharmacien aujourd’hui en France est un métier dévalorisé et très complexe à gérer. Entre paperasserie et autres tracasseries administratives nombreuses, baisse de revenus, explosion des charges, le métier à été détruit, poussant les professionnels de santé à s’exiler ! Comment en est-on arrivé à cette situation ?
Témoignage d’un médecin qui a préféré quitter le carcan du système français et ses lourdeurs administratives pour trouver enfin la liberté.
Jennifer Landry, médecin spécialiste en dermatologie, a décidé de s’expatrier l’année dernière. La destruction organisée de la médecine libérale l’a poussée hors de France. En interview pour Contrepoints, elle explique pourquoi elle est partie.
Jennifer, pouvez-vous nous expliquer quelles sont les raisons précises qui vous ont poussée à quitter la France ?
La décision était avant tout professionnelle.
En 2012, la politique de santé menée par Marisol Touraine a poussé les médecins à s’organiser sur les réseaux sociaux pour s’opposer à cette destruction organisée de la médecine libérale : « Les médecins ne sont pas des pigeons », page Facebook créée par Philippe Letertre, puis le mouvement des « Libérés de la Sécu » et « Alliance des Professions de Santé » sous la forme d’un syndicat.
L’idée principale reposait sur l’abolition du monopole de la Sécu par l’application du droit européen transposé dans le droit français depuis avril 20011. Sans ce monopole de la Sécurité sociale, les professionnels ne sont plus « conventionnés » et peuvent pratiquer des tarifs européens. Sans ce monopole, les Français, eux, peuvent choisir une assurance privée qui rembourse mieux pour beaucoup moins cher. Quoi de mieux pour sauver son activité ?
Mais c’était sans compter sur l’ignorance et l’entêtement de nombreux confrères persuadés que s’attaquer à la Sécurité sociale revenait à rompre avec la solidarité nationale… qui dans les faits n’existe plus depuis des décennies.
Face à ce constat et sans espoir de changement avec les nouveaux prétendants au pouvoir, j’ai décidé d’accepter une proposition qui m’était faite depuis 2 ans en Suisse.
Le choix a-t-il été difficile ?
Quand vous comprenez que les choses ne bougeront pas ou pas tout de suite, la décision est facile sur le plan professionnel.
Elle l’est moins sur le plan personnel et familial du fait de l’éloignement… mais on s’organise différemment…
Vous parlez de solidarité nationale : qu’en est-il en Suisse ?
À mon sens, la solidarité nationale est un leurre qui permet à la Sécurité sociale de maintenir son monopole en manipulant les Français… car en toute objectivité, on parle d’une assurance, qui a sûrement le plus grand nombre de cotisants et les tarifs les plus chers, ne serait-ce qu’en Europe.
En prélevant 1/3 des salaires et 50% des revenus des indépendants, cette assurance est incapable de rembourser plus de 70% des tarifs les plus bas d’Europe… Comment est-ce possible ? Où va l’argent des cotisations ?
En Suisse, j’ai une assurance maladie qui me coûte 450€ par mois, je suis prise en charge aux frais réels, partout dans le monde. J’ai une franchise de 450€ par année, alors que la Sécu impose une franchise de 30 voire 40% des actes, sans plafond….
Je sais combien je paie, ce qui me reste à charge (la franchise) et je suis totalement remboursée pour beaucoup moins cher que ce que me demandait l’URSSAF ou le RSI !
Alors opposer la Sécurité sociale aux autres systèmes européens en parlant de solidarité nationale ou de « meilleur système de santé » est une vaste escroquerie qui ne sert qu’à spolier les Français, tuer notre économie et liquider nos entreprises pour le compte de quelques-uns… mais sûrement pas pour celui des assurés
Le bilan est-il positif ?
Oui ! Sur le plan professionnel, je suis réellement un médecin « libéral ». J’ai des règles de facturation à respecter, mais n’ai plus à me battre avec un organisme d’assurance au quotidien pour des histoires de cotations, de feuille de soins, de parcours de soins ou autres problèmes qui ne relèvent pas de la pratique médicale.
Les patients sont remboursés des actes réalisés en fonction de leurs contrats d’assurance. Je n’ai plus à intervenir dans la relation assureur/assuré qui ne me concerne pas. Le cas échéant, tout comme en France, je sais adapter mes honoraires voire ne pas facturer ; nous n’avons pas besoin de la Sécurité sociale pour respecter le code de déontologie, même si notre ministre aime à le faire croire !
Sur le plan personnel, c’est plus que positif : quand on supprime les points professionnels négatifs, votre vie personnelle ne peut qu’être meilleure.
Sans parler de certaines valeurs perdues en France que je retrouve ici, notamment l’enseignement qui repose sur la maîtrise des mathématiques et du français dans toutes ses déclinaisons.
Pensez-vous revenir un jour en France ?
Pas pour le moment. Je ne m’imagine pas retourner dans un système dont je ne vois plus que les travers…. Et force est de constater que bon nombre des médecins français ne veulent pas de changement, du moins pas les bons. La manifestation de la semaine dernière en est le parfait exemple, tout comme les précédentes.
Rien ne bougera tant que les professionnels de santé s’en remettront à leurs syndicats, financés à coups de millions par cette même Sécu.
Le changement ne se fera que le jour où les professionnels de santé auront compris qu’ils ne sont pas des salariés de la Sécu, que la Sécu n’est qu’un assureur, capable de liquider des entreprises et de tuer des familles pour son propre compte et celui des syndicats, que sa mise en concurrence serait un bienfait pour les soignants, les patients, notre pays…
Brigitte Dormont a cru briller en disant que « La médecine libérale est incompatible avec un système d’assurance maladie comme le nôtre ». Je pense que c’est notre système d’assurance maladie qui est incompatible avec une médecine libérale efficace et performante.
Quant aux professionnels de santé, tant qu’ils n’auront pas compris qu’on ne négocie pas avec un bourreau qui veut notre perte, ils seront eux aussi incompatibles avec la médecine libérale…
Rédaction de Contrepoints
- Les caisses de Sécurité sociale étant toutes des organismes de droit privé créées et fonctionnant comme des mutuelles, elles étaient soumises à la concurrence et ne pouvaient en aucun cas nous imposer quoi que ce soit, le Code de la mutualité interdisant aux mutuelles de conventionner les médecins.