Tiens tiens, Le Monde serait-il devenu conspi ? Commencent-ils à se poser les bonnes questions ? Celles qui dérangent et dont les réponses sont incompatibles avec la doxa ?
La réalité dépasse parfois la fiction. En pire : Daech, le bien mal nommé « État islamique », était sur le point de perdre son bastion syrien d’Al-Boukamal, verrou stratégique à la frontière de l’Irak (cette ville est parfois orthographiée Albou-Kamal, Abou Kamal ou Bukamal). Mais les États-Unis ont suspendu leur soutien aérien à la « Nouvelle Armée syrienne », la milice révolutionnaire qui menait l’assaut, permettant aux commandos jihadistes de réussir leur contre-offensive.
Cet invraisemblable fiasco a été révélé dans une enquête détaillée du Washington Post. Il est d’autant plus troublant que l’aviation américaine a abandonné ses partenaires syriens pour participer à une orgie de bombardements en Irak, lors de la reconquête de Fallouja après deux ans et demi aux mains de contrôle jihadiste. Comme si les États-Unis, à la différence de Daech, étaient incapables de se battre à la fois en Syrie et en Irak.
La « Nouvelle armée syrienne »
Cette « Nouvelle armée syrienne » (NAS), malgré son titre ronflant, n’est qu’une composante relativement mineure de l’Armée syrienne libre (ASL). Elle a été établie en novembre 2015 autour de déserteurs des forces d’Assad, qui ont été formés et équipés en Jordanie par la CIA (dans le cadre d’un programme train and equiprichement doté par Washington) . Les services américains, plutôt que de répéter les échecs des infiltrations menées depuis la Turquie, avaient cette fois choisi le front Sud. Le premier succès de la NAS fut la prise à Daech en mars 2016 du poste de Tanaf (parfois orthographié Tanf, al-Tanf, voire Tinf), à la frontière entre la Syrie et l’Irak. Malgré des attentats-suicides et des contre-attaques jihadistes, Tanaf était resté de fait aux mains de la NAS.
Les combattants de la NAS ont pu accéder au soutien américain en s’engageant à lutter exclusivement contre Daech, et non contre le régime Assad (une condition draconienne qui interdit à la plupart des autres groupes révolutionnaires de bénéficier du programme train and equip). Cet engagement exclusif contre Daech n’avait pas empêché l’aviation russe de bombarder le 16 juin les positions de la NAS à Tanaf. Ce pilonnage russe est cohérent avec la volonté constante de Moscou d’éliminer toute troisième voie en Syrie entre le régime Assad et Daech. Le bombardement du 16 juin avait provoqué une vive réaction du Pentagone et les démentis russe d’usage. La NAS avait pu déjà apprécier la fragilité de la protection aérienne des Etats-Unis puis-qu’un des pilonnages russes s’était produit alors que les avions américains étaient en train de refaire le plein…