C’est un crime contre l’humanité d’autant qu’il est question de la partie la plus fragile de l’humanité. C’est aussi une honte pour un grand nombre de parents qui ont été incapables de défendre les intérêts de leurs enfants. Cette folie démontre aussi à quel point la société moderne est fragile…
Depuis le début de la crise sanitaire, le port du masque s’est généralisé partout et pour tout le monde.
La psychothérapeute Marie-Estelle Dupont alerte sur ses effets psychologiques dramatiques pour les plus jeunes et insiste sur l’importance d’y mettre fin immédiatement.
Depuis toujours l’humanité surmonte guerres, maladies, famines. Fin 2019, un virus apparaît. Coup de tonnerre dans un ciel médical que nous espérions de plus en plus serein. Il est très contagieux. Mais très peu mortel. Ses symptômes sont nombreux, mais les personnes à risque rapidement identifiées. Il ne touche pour ainsi dire pas les enfants. Ils en seraient vecteurs, mais dans quelle mesure, on l’ignore. Nous sommes devenus si craintifs, si précautionneux, si orgueilleux aussi vis-à-vis de la mort, de la finitude, que nous avons oublié que la médecine n’est pas toute puissante et que les jeunes n’ont pas à porter les adultes. Alors on a fermé les écoles, un an aux États-Unis, quelques semaines en France. Et le masque s’est imposé, partout, tout le temps, sans que les pédiatres, psychologues et pédopsychiatres préoccupés par sa généralisation aux plus jeunes ne soient écoutés.
Rien n’a prouvé que le masque à l’école diminuait les transmissions, d’autant que les enfants l’enlèvent à la cantine, et le touchent pour le réajuster, ne le changent pas forcément, voire se le prêtent. Soyons honnêtes, même nous adultes le trouvons proprement insupportable pour se concentrer et discuter. Quel enfant le supporterait autrement que par une régression adaptative l’incitant à diminuer son traitement de l’information et son attention à l’environnement et à lui-même à un âge où il est supposé devenir conscient de son corps et apprendre à le maîtriser raisonnablement? Sans parler du climat de méfiance que cela instaure à un âge où la confiance en soi va de pair avec la confiance dans le monde. Sans parler de la culpabilisation qui pèse comme une épée de Damoclès, donnant un ton tragique et grave à chaque entrée à l’école. Quand on sait que l’anxiété et le stress sont corrélés négativement avec l’apprentissage, c’est un vrai pari sur l’avenir que l’on est en train de faire ! Les appels à la peur bien connus en psychologie de la santé publique constituent un risque de justification d’une mesure non seulement inutile mais contre productive auprès des enfants, générant des problèmes de santé physique, psychique et sociale, cognitive et émotionnelle à court, moyen et long terme.
Masquer les enfants pour une maladie qui ne les concerne pas signifie notre défaite de la pensée et notre perte de dignité. Masqués, et pour cause, nous avons donc perdu la face dans cette histoire. On a renoncé à la liberté, à l’égalité et à la fraternité, notamment en masquant les enfants. Or on ne réussit que sur ses valeurs. Pas en imitant d’autres pays où tout est différent uniquement quand cela nous évite de nous remettre en question. Nous adultes sommes responsables de ces enfants. Ce ne sera jamais l’inverse.
Psychologues, pédiatres et pédopsychiatres, nous sommes nombreux à être très inquiets de la hausse des hospitalisations et des troubles que développent les jeunes enfants depuis le premier confinement. Jusqu’à six fois plus d’admissions en pédopsychiatrie à Necker, des défenestrations à Robert Debré, et j’en passe.
Qu’un tout-petit ne voie que des visages masqués à la crèche est très préoccupant car ses interactions étant non verbales essentiellement, il est privé de repères essentiels.
Marie-Estelle Dupont
Le 10 février 2021, un communiqué du Collège de pédopsychiatrie rappelle les conséquences des mesures sanitaires sur les enfants et les adolescents : troubles du sommeil, du comportement, pleurs répétés, scarifications, retard de parole et d’apprentissage, anxiété et peur grandissantes, addictions, repli sur soi, symptômes dépressifs, somatisations, augmentation des violences intra familiales et des pensées suicidaires. Autrement dit certains médecins se voient dans l’obligation de rappeler à d’autres les bases du développement du petit humain et de la pédiatrie.
Qu’un tout-petit ne voie que des visages masqués à la crèche est très préoccupant car ses interactions étant non verbales essentiellement, il est privé de repères essentiels.
Le développement physique, neurologique, cognitif, émotionnel, social d’un enfant exige autre chose que des journées masquées. La réalisation de tout ce qui est à l’état de potentiel génétique entre 0 et 12 ans dicte leurs besoins. Ces besoins constituent nos devoirs, et ne peuvent être renégociés à l’aune de nos peurs et de nos angoisses existentielles non réglées et d’un principe de précaution érigé en religion d’État.
Jusqu’à la sixième environ, les connexions synaptiques chargées de transmettre l’influx nerveux dans le cerveau, croissent de manière exponentielle, faisant grandir les différents lobes cérébraux, notamment les lobes responsables de l’inhibition de l’action (lorsqu’elle est dangereuse par exemple). Ces connexions ont besoin d’oxygène pour que le cerveau puisse établir ses facultés correctement. Masqués, les enfants qui portent des lunettes doivent les enlever du fait de la buée. Les maux de tête, la difficulté à entendre l’enseignant masqué, l’attention mobilisée par les innombrables précautions ou réajustements, tout cela génère une perte d’énergie et de concentration considérable, pour des résultats probablement très contre productifs car peu d’enfants changent réellement leur masque dans la journée et de toute façon respirent leurs propres déjections nasales à 37°. Par conséquent qu’on ne me parle surtout pas d’hygiène, je risque d’éclater de rire.
Le port du masque et la fatigue qu’il génère ont entraîné chez des enfants y compris bons élèves et de milieux favorisés une perte des apprentissages. Les professeurs le constatent, les parents aussi. Décrochage, épuisement, cauchemars, démotivation, oublis, se multiplient. Bien sûr ils s’adaptent. Plus on est jeune, plus le cerveau s’adapte. Les mouvements oculaires sont plus nombreux pour permettre au bébé de traiter un maximum d’informations. Ne les plaçons surtout pas en déprivation sensorielle, avec des parents qui plus est parfois inquiets du virus qui hésitent à les câliner et brident la spontanéité d’une tendresse déterminante pour en faire des citoyens équilibrés, ni violents ni dépressifs!
Peut-être pourrions-nous éviter de nous suicider socialement en créant une génération de handicapés affectifs qui pensent que se toucher est dangereux et ne se regardent plus?
Marie-Estelle Dupont
L’enfant est un champion pour rassurer les adultes et dire que «ça se passe comme d’habitude». Et si le « d’habitude » signifiait déjà une grande torpeur? Quelles valeurs leur transmettons-nous en les alignant sur nos peurs, sans preuve de l’utilité de cette mesure? Qui sommes-nous pour banaliser le fait de priver des enfants du visage humain et d’une respiration normale? Qui sommes-nous pour se glorifier de leur faire porter notre immaturité? Les dégâts durables engendrés par ces mesures, s’ils sont encore tus parfois, sous-estimés, ne trouveront eux, jamais de vaccin. On ne construit pas son identité dans l’anonymat généralisé. On ne devient pas un adulte aligné, équilibré, mature et autonome dans un environnement obsessionnel et psychorigide. Ou en tout cas, cela nous coûtera un nombre incalculable de consultations chez le psy pour des souffrances difficiles à qualifier car banalisées et justifiées par le fait de «protéger» la vie.
«Le manque d’oxygénation et l’inspiration de CO2 dans le masque sont susceptibles par ailleurs de diminuer drastiquement les capacités du système immunitaire, entraînant à court terme maux de tête, fatigue, irritabilité et vulnérabilité physique et psychique. Les conséquences à long terme restent imprévisibles à ce jour», écrivait il y a plusieurs mois déjà une de mes collègues aux maires. Collègue qui voit des enfants en consultation mais n’en a pas elle-même et ne peut donc être taxée de victimisation de sa progéniture.
Nous parlons ici de biologie, de neurologie, d’immunité, et de développement cognitif. Nous parlons des adultes de demain. Aucun sentimentalisme dans mes paroles, un simple constat: cela engendre potentiellement des troubles du comportement, de la communication chez les plus petits qui apprennent à parler, et du développement des compétences relationnelles, sociales et émotionnelles. Je trouve parfaitement écœurant de confier les plus petits en crèche à des adultes masqués. Le visage c’est l’identité disait Levinas. Perdre la face, ne pas avoir de face c’est bien perdre l’honneur et la dignité. Et certains osent dire qu’on a diminué les maladies infantiles cet hiver? La gastro-entérite peut-être grâce au lavage des mains, et une hygiène qui laissaient parfois à désirer dans les écoles ou les foyers certes. Mais les angines et les bronchiolites étaient là. Non nous ne voulons pas, pour des raisons précisément de santé publique, mais également morales et philosophiques, que les enfants gardent le masque à l’école. Ni pour aujourd’hui ni pour demain. Ce n’est pas un choix de société qui permettra la santé, la créativité et la paix civile. Il entretient la peur et la peur engendre la violence.
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Photo d’illustration : « Le masque s’est imposé partout sans que les pédiatres, psychologues et pédopsychiatres préoccupés par sa généralisation aux plus jeunes ne soient écoutés » Adobe Stock
Marie-Estelle Dupont*
Le Figaro25 mai 2021
*Marie-Estelle Dupont est psychologue clinicienne et psychothérapeute. Elle a publié Se libérer de son moi toxique (Larousse, 2017) et Découvrez vos superpouvoirs chez le psy (Eyrolles, 2015).