Les émeutes sont éternelles
Dans sa lettre du 8 août 1846 à Louise Colet, Flaubert écrivait : « De toute la politique, il n’y a qu’une chose que je comprenne, c’est l’émeute ». Il semble bien qu’aujourd’hui on y soit. À moins d’être aveugle et sourd, ou parlementaire, il n’aura échappé à personne en France que la seule expression populaire va devenir l’émeute. La grogne des Parisiens face aux ordures qui s’entassent dans les rues de la capitale n’est qu’une métaphore de la colère explosive des Français contre les ordures aux parlements, français et européen, face au désastre social, économique, culturel… « Mais à quoi servent-ils ! », tonne-t-on dans les rues et les bistrots. Bien-sûr, si chaque personne servait le bien commun, il n’y aurait plus de problèmes. Mais aucunes lois ne pourront faire en sorte que tous les hommes agissent droitement pour le bien commun… les émeutes sont éternelles ; l’humanité semble impuissante à se gouverner elle-même durablement… On en revient alors à Dieu, à son absence…
Les hommes ne sont désormais habités que par une seule « vie », la « vie » économique…
Il y a quelques années, dans une de ses émissions visqueuses dont il a le secret, Franz-Olivier Giesbert demandait : « À quoi sert Dieu ? », réduisant ainsi le Créateur à un tire-bouchon ou une clé à molette. Les hommes ont tellement oublié Dieu qu’ils peuvent faire toutes les révolutions et les réussir que ça n’ira toujours pas. Car en oubliant Dieu, ils ont oublié l’être (oui, Heidegger). Et en oubliant l’être, ils ont oublié la vie du cœur et de l’esprit. Les hommes ne sont désormais habités que par une seule « vie », la « vie » économique… Mais comme la crise enfonce partout l’économie… la haine radicale triomphe… et la logique de mort envahit tout. La logique de l’argent. L’homme est devenu si misérable qu’il prend cette logique de mort, qui le mène à la plus terrible solitude, pour une logique de vie. Il n’y a qu’une seule logique de vie, c’est celle qui nous rapproche de Dieu… L’humanité a tant oublié Dieu qu’elle n’est plus sauvable. Si Le chœur des fileuses de Wagner n’a pas pu adoucir l’humanité avide et cupide, rien ne pourra l’adoucir. Cependant, c’est après la guerre que l’oubli radical de Dieu est advenu.
Ceux qui nous ont fait oublier Dieu sont exactement ceux qui veulent ne pas nous faire oublier la Shoah… Les hommes ont ainsi troqué leur temple de foi intérieur contre des chambres à gaz. Aujourd’hui, il est devenu autant inconcevable de croire en Dieu que de ne pas croire en la Shoah. Après la guerre, nombreux furent les Juifs qui ne crurent plus en Dieu, car la Shoah leur paraissait une preuve irréfutable de l’inexistence de Dieu. Car Dieu infiniment bon n’aurait pu consentir délibérément une telle hécatombe. Continuer de croire en Dieu bon et juste revient donc ainsi à nier cette preuve et à considérer donc que la Shoah fut l’effet d’une justice divine, un châtiment divin non pas contre mais pour l’humanité, la justice divine n’œuvrant jamais contre mais pour les âmes humaines. Ou alors on ne croit pas en Dieu. Le croyant apparaît du coup hostile aux Juifs, voire carrément antisémite… La Loi du Dieu bon et juste fut alors détrônée par la loi Gayssot (anti-constitutionnelle selon Robert Badinter). Je peux pourtant témoigner que croire pleinement en Dieu et en son infaillible justice ne m’empêche pas d’apprécier pleinement la qualité parmi les Juifs, Clara Haskil, Horowitz, Arthur Rubinstein, David Oistrak… En plus d’être grand pianiste, Horowitz était drôle, il disait « qu’il y a trois catégories de pianistes : les juifs, les homos et les mauvais pianistes ». Ainsi, Liszt, Cziffra et Rachmaninov seraient de mauvais pianistes ! Sans parler de Fats Waller, Art Tatum, Errol Garner, Thelonius Monk…