
En dehors de l’aspect géopolitique important de cette information concernant le Pakistan, il est important de souligner que ce pays est 1000 fois plus démocratique que de nombreux pays occidentaux qui n’auraient jamais eu le courage de destituer un président, ni même un ministre, impliqué dans l’affaire des Panama Papers.
Séisme politique – La destitution du premier ministre Nawaz Sharif ouvre une ère d’incertitude et conforte la mainmise de l’armée.
C’est peut-être la fin d’une époque au Pakistan. Vendredi, la Cour suprême a destitué le premier ministre Nawaz Sharif pour son implication dans l’affaire des « Panama Papers ». Ces documents du cabinet d’avocats Mossack Fonseca avaient révélé comment ses trois enfants détenaient des parts dans des sociétés offshore. Aux yeux des juges, Nawaz Sharif a menti dans sa déclaration de patrimoine lors des législatives de 2013. De quoi justifier son renvoi au titre de l’article 62 de la Constitution.
Ainsi s’achèvent trente années de carrière pour Nawaz Sharif, qui avait été élu premier ministre en 1990 et 1997 avant d’être renversé en 1999 par un coup d’Etat militaire. La victoire de son parti, la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N), aux législatives de 2013 lui avait offert un troisième mandat avec une majorité à la Chambre basse. Leader incontesté de la PML-N, Nawaz Sharif, 67 ans, avait les moyens d’aller au bout de sa mandature, le temps de pousser sa fille, Maryam, sur le devant de la scène pour qu’elle puisse, peut-être, lui succéder. Le verdict de la Cour suprême bouleverse tout. Les magistrats ont renvoyé l’enquête sur les «Panama Papers» devant le Bureau national anticorruption afin qu’une procédure criminelle soit ouverte contre lui et sa famille.
Avec cette destitution, la PML-N risque d’éclater d’ici aux législatives de 2018.
Certains députés pourraient rallier l’opposition, emmenée par le PTI de l’ancien joueur de cricket Imran Khan, ou se présenter en tant qu’indépendants si rien n’est fait pour préserver l’unité du parti.
Le Pakistan entre dans une période d’incertitude, et c’est de mauvais augure pour la stabilité en Asie du Sud. Nawaz Sharif avait tenté de relancer le processus de paix avec l’Inde et de réchauffer les relations avec l’Afghanistan. En vain. Sa destitution prolonge l’impasse dans laquelle se trouve le dialogue avec Delhi et Kaboul alors que les deux pays affrontent une insurrection dont ils rendent Islamabad responsable. Le gouvernement indien accuse son voisin de soutenir l’intifada indépendantiste au Cachemire. Côté afghan, les services secrets reprochent à leurs homologues pakistanais d’assister les talibans.
Reste que le départ de Nawaz Sharif interroge. De nombreux éditorialistes se demandent pourquoi l’appareil judiciaire se montre intraitable envers le pouvoir civil sans déployer autant de sévérité contre l’armée. Les militaires ont manipulé des scrutins législatifs et organisé trois putschs. L’ancien dictateur et tombeur de Nawaz Sharif en 1999, le général Pervez Musharraf, a émigré à Dubaï alors qu’il est mis en cause dans quatre affaires criminelles. Le débat démontre la toute-puissance de l’institution militaire qui, outre la politique extérieure, gère l’arsenal nucléaire ainsi qu’un […]
Emmanuel Derville – New DelhiNew Delhi (TDG)