100 000 €, ce n’est même pas le prix de revient déboursé par la Sécurité sociale pour une seule chimiothérapie ! De surcroît, s’il est reconnu que la pollution tue, la solution consiste à la faire cesser immédiatement et non pas à condamner les pollueurs à des amendes ridicules !!! On nous parle de taxer les carburants pour sauver 50.000 vies par an tout en continuant à autoriser les énormes navires de croisières à accoster les ports français !
Le capitaine de l’« Azura » et son armateur paieront 100 000 euros pour avoir utilisé un carburant trop riche en soufre.
C’est un coup de semonce dans le monde feutré de la croisière, et une première judiciaire en France. Le leader mondial du secteur, le groupe américain Carnival a été condamné, lundi 26 novembre par le tribunal correctionnel de Marseille, pour avoir enfreint les normes antipollution. Evans Hoyt, le capitaine de l’Azura, un géant des mers qui faisait escale dans la cité phocéenne en mars, a été condamné à 100 000 euros d’amende. Le jugement précise que l’armateur devra s’acquitter de 80 000 euros, correspondant à 80 % de cette amende.
Le capitaine américain de l’Azura et le groupe Carnival étaient poursuivis pour « utilisation, par un navire en mer territoriale, de combustible dont la teneur en soufre est supérieure aux normes autorisées en matière de pollution de l’air ». Le paquebot avait été contrôlé le 28 mars par le Centre de sécurité des navires lors d’une escale dans le port de Marseille. Les inspecteurs avaient constaté qu’il utilisait un carburant avec une teneur en soufre de 1,68 %, supérieure à la limite autorisée (1,5 %).« Économiser de l’argent au mépris des poumons »
La décision du tribunal était très attendue. Marseille, qui doit accueillir cette année 530 escales, vise la place de premier port de croisière du bassin méditerranéen – avec 2 millions de passagers à l’horizon 2020. Avec ses 290 mètres de long, 1 557 cabines et quatorze ponts, l’Azura fait partie de ces géants des mers qui libèrent quotidiennement leur flot de touristes dans la cité phocéenne, mais aussi leurs immenses panaches de fumée. « Le marché de la croisière est en pleine expansion, en particulier en Méditerranée, générant des nuisances toujours plus importantes », avait insisté le procureur de la République, Franck Lagier, lors du procès, le 8 octobre. Lors de ses réquisitions, suivies par le tribunal, il avait accusé l’armateur d’avoir voulu « économiser de l’argent au mépris des poumons de tout un chacun dans un contexte de pollution majeur de l’air causée pour partie par les croisières ».
Le contrôle pratiqué sur l’Azura avait mis en évidence qu’avant de faire escale à Marseille, le navire avait chargé la veille à Barcelone (Espagne) un carburant avec une teneur en soufre de 1,75 %. Le prix de la tonne de carburant à taux de soufre élevé (1,72 %) est de 379 dollars (329 euros), contre 614 dollars pour un fioul moins soufré (0,09 %). Dans la capitale catalane, le capitaine de l’Azuraavait reçu une livraison de 900 tonnes pour environ 341 100 dollars. Elle lui aurait coûté 552 400 dollars s’il avait privilégié un carburant moins sale.
Pour des raisons d’économies, les navires utilisent un fioul lourd, peu raffiné, dont les émanations sont beaucoup plus toxiques que celles du diesel. Ainsi, les teneurs en soufre sont 1 500 fois plus élevées que celles autorisées pour le diesel des voitures (0,001 %). Un bateau de croisière consommant en moyenne 2 000 litres par heure en mer et 700 litres à quai, on estime qu’il polluerait autant qu’un million de voitures. Selon les travaux de l’université de Rostock, les émissions du transport maritime seraient ainsi responsables chaque année de près de 60 000 décès prématurés et coûteraient environ 58 milliards d’euros en dépenses de santé (maladies respiratoires et cardio-vasculaires) à l’échelle de l’Europe.
Parmi les gaz recrachés par les paquebots, l’oxyde de soufre accélère la formation de particules fines et ultrafines, les plus dangereuses pour la santé. Ces conséquences ont conduit l’Organisation maritime internationale à durcir les normes antipollution à partir de 2020, avec une teneur en soufre abaissée à 0,5 % pour tous les types de navires.« Mettre fin au sentiment d’impunité des armateurs »
En juillet 2017, l’association France Nature Environnement (FNE) avait relevé des taux de particules fines 100 fois plus élevés à proximité du port qu’ailleurs dans Marseille. Partie civile dans la procédure contre l’Azura, FNE se félicite du jugement. « C’est un signal envoyé à tous les pollueurs. Le fait que la responsabilité de l’armateur soit engagée va peut-être mettre fin à leur sentiment d’impunité et les obliger à changer de carburant ou à trouver des solutions technologiques pour arrêter de polluer », réagit la coordinatrice de son réseau santé & environnement, Charlotte Lepitre.
L’association espère également que cette première judiciaire mettra fin à une autre « injustice » : contrairement aux riverains de la Manche, de la mer du Nord et de la Baltique, les Marseillais ne bénéficient pas d’une zone d’émission contrôlée de soufre (SECA, pour Sulphur Emission Control Area, en anglais), qui contraint depuis 2015 les navires à utiliser un carburant dont la teneur en soufre ne peut pas excéder 0,1 %. Le gouvernement a mis en place un comité de pilotage pour envisager le classement de la Méditerranée en SECA. Mais les négociations se heurtent aux résistances de certains pays, comme la Grèce ou Malte, escales importantes pour faire le plein de carburant.