Au delà du trou de la Sécurité sociale qui trouve, en partie, son explication, dans ce genre de dérives, c’est aussi la santé publique qui est menacée par ce trafic d’un médicament qui, à l’origine, a été conçu pour suppléer l’état de manque chez les drogués et qui, finalement a été détourné de son indication première pour fournir les réseaux alimentant les addicts, tout en suscitant de nouvelles addictions au moyen d’une molécule financée par la collectivité. C’est ce que certains appellent la modernité et d’autres le progrès…
Un médecin mosellan accusé d’avoir alimenté un trafic de ce substitut à l’héroïne jouait lundi son avenir devant le tribunal de Sarreguemines.
Au terme d’une longue journée d’audience, le parquet a requis à l’encontre du Dr Jacques Furlan trois ans de prison dont deux avec sursis, 50.000 euros d’amende et l’interdiction d’exercer son métier. « En distribuant du Subutex à des patients qui n’en ont pas besoin, on alimente un réseau », a fait valoir la représentante du ministère public qui a également requis 20.000 euros d’amende à l’encontre d’un pharmacien. A leurs côtés comparaissaient deux hommes soupçonnés d’avoir revendu du Subutex à des toxicomanes : les forces de l’ordre ont découvert plus de 600 comprimés chez l’un d’eux. Certains comprimés étaient revendus en Allemagne, où ce médicament est délivré dans des conditions plus strictes qu’en France. Le Dr Furlan, alors maire de Hombourg-Haut, avait été mis en examen en octobre 2013 : l’enquête a établi qu’il avait prescrit de fin mars 2011 à avril 2013 près de 25.000 ordonnances de Subutex à quelque 285 patients. La CPAM de Moselle a provisoirement chiffré son préjudice à plus de 165.000 euros, selon son avocat Me Nicolas Matuszac.
Alors qu’il travaillait à temps partiel du fait de ses activités d’élu, il pouvait recevoir jusqu’à 80 patients par jour, s’est étonné le parquet, en relevant que des patients n’étaient pas examinés lors d’une première prescription : certains n’étaient même pas toxicomanes. Jacques Furlan pratiquait une « médecine go-fast », a résumé l’avocat de l’Ordre des médecins, Me Stanislas Louvel, en pointant son exercice « un peu atypique » du métier. « Je ne peux pas mener moi-même une enquête » sur chaque patient, a rétorqué le docteur qui assure n’avoir « jamais eu (…) une intention de frauder la Sécurité sociale ». « On veut que je serve d’exemple et que les autres médecins aient peur et ne prescrivent plus de Subutex », s’est-il défendu. Ce médicament est dans la ligne de mire de l’Académie de médecine, qui a demandé en juillet aux pouvoirs publics de prendre des mesures pour renforcer la lutte contre le trafic du Subutex.
Le Figaro.fr / AFP