Il n’y a qu’en France où les autorités politiques et judiciaires pensent qu’un numéro vert destiné à des pédocriminels va pouvoir être utile à la société et à la protection des enfants ! On imagine Gabriel Matzneff appeler le 0806 231 063 en expliquant qu’il se sent tellement coupable d’avoir violé des centaines de gamins en France et à Manille et qu’il aimerait tellement que ça cesse, sauf que dans ce cas il ne pourrait plus éditer de livres, passer à la télé et être applaudi par Bernard Pivot, Frédéric Beigbeder, Yann Moix et Philippe Sollers !
Encore de l’argent public gaspillé, de l’argent que nous n’avons pas et qui manque cruellement à d’autres secteurs en difficultés.
Lancé en novembre par le secrétaire d’État Adrien Taquet, le 0 806 23 10 63 a pour but de venir en aide aux personnes attirées par les enfants et d’améliorer la prévention des agressions sexuelles sur les mineurs.
« C’est compliqué ce que j’ai à vous dire, c’est difficile. » Fabienne Clergue entend souvent cette première phrase lorsqu’elle décroche le téléphone depuis les bureaux du Centre ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (Criavs), logés dans l’hôpital Sainte-Marguerite à Marseille (Bouches-du-Rhône). Cette secrétaire médicale est l’une des référentes du projet de numéro unique pour les personnes qui ressentent un attrait, une préférence sexuelle persistante, pour les enfants (pédophilie) ou les adolescents (hébéphilie). Le 0 806 23 10 63 est expérimenté dans les Criavs de cinq régions : Provence-Alpes-Côte d’Azur, Centre-Val-de-Loire, Occitanie, Auvergne et Aquitaine.
Ce dispositif, gratuit et confidentiel, a été lancé le 20 novembre dernier par le secrétaire d’État en charge de la Protection de l’enfance, Adrien Taquet, dans le cadre du plan de lutte contre les violences faites aux enfants. Objectif : améliorer la prévention des agressions sexuelles sur mineurs. « L’accompagnement n’existe pas en France pour les personnes qui ne sont jamais passées à l’acte », pointe Fabienne Clergue. En la matière, l’Hexagone est à la traîne, contrairement au Canada, au Royaume-Uni ou à l’Allemagne. Chez nos voisins d’outre-Rhin, ce type de numéro existe depuis 2005, spots télévisés diffusés à une heure de grande écoute à l’appui. En mars 2018, plus de 9 500 Allemands avaient fait appel à ce programme.« On est là pour orienter »
En France, le démarrage est beaucoup plus timide. « On a reçu une douzaine d’appels depuis trois mois », évalue Anne-Hélène Moncany, psychiatre membre du bureau de la Fédération française des Criavs. En cause, notamment, un manque de visibilité. La communication autour de ce numéro se limite, pour l’instant, à des affiches placardées dans les salles d’attente, avec ce slogan : « Vous vous sentez troublé.e par les enfants ? Nous pouvons vous orienter vers une aide adaptée. »Ce dispositif a par ailleurs été mis en place à moyens constants, en s’appuyant sur le réseau existant des centres ressources régionaux.
On fonctionne avec les moyens du bord. Ce n’est pas un numéro d’urgence, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. On est sur des heures de bureau, du lundi au vendredi, de 9 heures à 17 heures. à franceinfo
« Si ça prend de l’ampleur, il faudra recruter ou diriger les appelants vers une plateforme d’appels », poursuit la secrétaire médicale. Le numéro unique est censé être généralisé sur tout le territoire à l’automne prochain. En attendant, les personnes qui composent le numéro et dont la région n’est pas couverte par l’expérimentation sont renvoyées vers les services d’urgence, avec ce message vocal : « Ne restez pas seul en cas de détresse. »
Celles qui trouvent un professionnel au bout du fil se voient communiquer une liste de psychologues ou de psychiatres formés pour recueillir « cette parole compliquée » – ils ne sont pas légion. « Ce n’est pas une ligne d’écoute, on est là pour orienter », précise Fabienne Clergue. Malgré tout, ce premier contact est important. « On sent que les personnes posent leur bagage. Elles peuvent exprimer leur souffrance », ajoute la répondante, qui reçoit depuis une dizaine d’années des appels au Criavs, bien avant la mise en place du numéro unique. La bienveillance est de rigueur, pour « libérer la parole ».« Ils ont peur d’être incarcérés ou de récidiver »
Quel est le profil de ceux qui « passent le pas » d’appeler ? Selon les répondants interrogés par franceinfo, il s’agit plutôt d’une personne déjà arrêtée pour détention de photos pédopornographiques. Majoritairement des hommes, même si « les femmes auteures de violences sexuelles existent ». « Pour certains, le fait d’être interpellé est une prise de conscience. Ils disent souvent : « Je n’attendais que ça, qu’on m’arrête, je ne savais pas à qui parler ». « Cela les encourage à prendre leur téléphone », observe Fabienne Clergue.
« En général, ils ont peur d’être incarcérés. Ou de récidiver », appuie Cindy Prud’homme, psychologue au Criavs de Montpellier (Hérault). « Un homme d’une quarantaine d’années, qui sortait de prison pour des faits de cette nature, nous a appelés car il avait peur de recommencer. Il a été pris en charge par notre équipe pour un suivi. » Les professionnels le déplorent unanimement : avant l’intervention de la justice, il n’y a bien souvent « personne pour les entendre et poser un interdit, un stop ». Ces personnes sont « livrées à elles-mêmes », avec leurs pulsions.« C’est ça qu’on aimerait changer, que des gens nous appellent avant de passer à l’acte ». à franceinfo
Cela a toutefois été le cas au Criavs de Centre-Val-de-Loire, qui compte un appel à ce jour, celui d’un jeune homme qui « se sentait embêté par ses fantasmes », sans être passé à l’acte. « Nous lui avons organisé une rencontre avec un thérapeute. Le numéro a rempli sa fonction », témoigne Ingrid Berstch, psychologue du centre ressources.
Pour les spécialistes, il est urgent d’intervenir au stade de la pédophilie et non de la pédocriminalité. « Au niveau politique, on est beaucoup plus dans la répression que dans la prévention », cingle Cindy Prud’homme. La pédophilie est reconnue et classée comme trouble psychologique par l’Organisation mondiale de la santé depuis 1993. « Il s’agit d’un diagnostic médical et non d’une infraction, contrairement à la pédocriminalité…
Photo d’illustration : Lancé le 20 novembre 2019, le 0806 23 10 63 est expérimenté dans les Criavs de cinq régions, Paca, Centre-Val-de-Loire, Occitanie, Auvergne et Aquitaine. (JESSICA KOMGUEN / FRANCEINFO)
France Télévisions
15 mars 2020