Excellent papier concernant le très mauvais Kamel Daoud, chouchou de BHL et de Macron, autant dire de la médiocrité parisienne la plus crasse ; chouchou du milieu littéraire germanopratin qui s’est avéré être un milieu dégénéré pro pédocriminel (cf. affaire Matzneff) ! Quand on pense à ceux qui affirment que c’est un ambassadeur de la culture algérienne alors qu’il écrit en français, on se dit que certains ont perdu la raison depuis belle lurette et qu’ils ne se rendent même plus compte des âneries qu’ils profèrent…
En reprenant la grille de lecture d’Albert Memmi vous décrivez Kamel Daoud comme un écrivain « néocolonisé » qui remplit une fonction « d’informateur indigène » apportant une caution « ethnique » aux idéologues de la théorie du choc des civilisations. Quelles sont les caractéristiques de l’esprit néocolonisé ?
Dans sa précise description du colonisé, Albert Memmi a mis l’accent sur sa déshumanisation, la mystification de ses supposées tares, sa catalepsie sociale et historique, son amnésie culturelle et son éviction de l’Histoire. Le colonisé cultive la haine de soi et la honte de ses racines. Il porte aux nues le colonisateur et œuvre inlassablement pour lui ressembler. À ce sujet, Memmi note que « l’ambition première du colonisé sera d’égaler ce modèle prestigieux, de lui ressembler jusqu’à disparaître en lui ». Ou encore : « L’amour du colonisateur est sous-tendu d’un complexe de sentiments qui vont de la honte à la haine de soi. »
Le colonisé a également un rapport maladif avec sa langue maternelle. Il la méprise et glorifie celle du colonisateur.
Selon Memmi, le colonisé est hors du temps et de l’histoire : « Plus rien ne s’est passé dans la vie de ce peuple. Rien de particulier à son existence propre, qui mérite d’être retenu par la conscience collective, et fêté. Rien qu’un grand vide ». De ce fait, il a honte de ses référents culturels qu’il va systématiquement renier et rejeter. Finalement, il va mimétiser le colonisateur afin d’avoir la satisfaction ultime : être accepté par son modèle.Vous considérez que l’écrivain a atteint le stade ultime du processus de mimétisation qui l’amène à reproduire fidèlement le discours et l’attitude du colonisateur. Comment s’est traduite cette évolution à travers ses écrits ?
Kamel Daoud s’est fait connaitre par ses chroniques dans le Quotidien d’Oran. Sa grande popularité vient du fait qu’il critiquait ouvertement le gouvernement et les travers de la société algérienne.
Cependant, ses écrits ont progressivement glissé de la critique constructive à l’injure de sa communauté, de l’impertinence intellectuelle à la vulgarité de l’insulte.
Après sa nostalgie de la colonisation avec une déclaration du style « la terre appartient à ceux qui la respectent. Si nous, les Algériens, en sommes incapables alors autant la rendre aux colons », son aversion envers la langue arabe qu’il considère morte ou «langue de colonisation », le paroxysme est atteint avec l’affaire des viols de Cologne. Sans même attendre les résultats de l’enquête (qui ont révélé que cette affaire était un pur canular), notre chroniqueur a traité les réfugiés arabes de « violeurs en puissance ». Et d’asséner sa vérité, celle destinée aux lecteurs du monde des lumières, du monde civilisé : « Le grand public en Occident découvre, dans la peur et l’agitation, que dans le monde musulman le sexe est malade et que cette maladie est en train de gagner ses propres terres ».
Avec les résultats de l’enquête à Cologne et le raz-de-marais médiatique provoqué dans le monde occidental (si idéalisé par le chroniqueur) par l’affaire Harvey Weinstein, Kamel Daoud se retrouve le bec dans l’eau et, conséquemment, exhibe sa nudité intellectuelle.Vous citez le propos de Kamel Daoud expliquant son rapport à la langue arabe. À l’exact opposé de Kateb Yacine qui considérait le français comme un « butin de guerre », Daoud lui entretient un rapport pacifié à une langue qu’il considère comme un « bien vacant » et un rapport conflictuel avec la langue arabe perçue comme langue de colonisation. Quelle est la signification profonde de ce rejet linguistique ?
Kamel Daoud cherche toujours à faire du neuf avec du vieux, surtout si le vieux est majestueux. Par ici, il picore du Camus, par là il grappille du Defoe et, entre deux becquetées, il grignote du Kateb Yacine.
Concernant la langue française, les deux expressions se réfèrent à la guerre d’indépendance algérienne. Mais une nuance de taille les sépare : la première considère que l’usage de la langue française a été gagné par une victoire militaire, alors que la seconde juge que cette langue a été abandonnée en Algérie par les colons après la révolution. Kateb Yacine a gagné cette langue par les armes alors que Kamel Daoud se l’est appropriée « ni par la violence ni par la guerre ». Pour le premier, il s’agit d’une langue de libération du joug colonial alors que pour le second, le français est la langue de la liberté intellectuelle, abandonnée par les colons en Algérie. Pour confirmer sa vision nostalgique de la période coloniale, il affirme qu’il a « un rapport pacifié au français ».
Pour Daoud, la langue arabe est par contre une langue morte « piégée par le sacré, par les idéologies dominantes », une langue « fétichisée, politisée et idéologisée ». Il admet que la langue arabe est une langue de colonisation allant même jusqu’à écrire qu’il s’agit « d’une colonisation réussie ». Et la langue française est-elle une langue de colonisation ? Bien sûr que non ! Oubliés les 132 ans de colonisation, de déculturation et d’acculturation méthodiques. Comme l’a si bien dit Hassan Gherab : « Là où la France passait, la culture trépassait ».
Pour Daoud, la langue du colonisateur est la langue du progrès, du développement, de la prospérité et de la lumière.
Ce rapport maladif à la langue arabe dont semble souffrir Kamel Daoud est très bien décrit par Albert Memmi qui a su, il y a de cela plusieurs décennies, si bien le cerner : « Dans le conflit linguistique qui habite le colonisé, sa langue maternelle est l’humiliée, l’écrasée. Et ce mépris, objectivement fondé, il finit par le faire sien. De lui-même, il se met à écarter cette langue infirme, à la cacher aux yeux des étrangers, à ne paraître à l’aise que dans la langue du colonisateur. »Vous expliquez que le « refus de solidarité » de Daoud avec la Palestine n’est pas lié à des convictions intellectuelles ou la moraline qui rejette la centralité de la cause palestinienne au nom d’autres combats. Comment analysez-vous, en ce cas, une position aussi controversée ?
Le rejet des référents culturels et idéologiques de sa communauté est bien illustré par cet exemple. Dans le monde, le peuple algérien est probablement celui qui a le plus d’amour et de respect pour le peuple palestinien. Sa cause est considérée comme une cause nationale algérienne et sa souffrance est vécue dans la chair de chaque Algérien.
Et voilà que notre chroniqueur écrit « qu’il n’est pas solidaire avec la Palestine » alors que les bombes pleuvent sur Gaza en 2014 et que des milliers d’enfants et d’adultes sont massacrés par l’État hébreux. Un carnage qui a même été dénoncé par des militants progressistes de confession juive !
Pire, il va jusqu’à encenser la démocratie israélienne (sic !) : « Comment peut-on se permettre la vanité de la « solidarité » alors qu’on n’est pas capable de jouer le jeu des démocraties : avoir des élus juifs « chez nous », comme il y a des élus arabes « chez eux » ».
Mais ce rejet n’est pas seulement idéologique, il est aussi intéressé. En effet, ces différents messages s’adressent particulièrement au lobby sioniste français, sans lequel il est difficile de prétendre à une brillante carrière dans l’Hexagone et dans cet Occident « daoudien » si lumineux.
D’un autre côté, chaque fois que l’auteur oranais est pris dans une tourmente médiatique, les premiers à monter au créneau pour le défendre sont des membres ou des affidés de ce lobby.Dans le chapitre sur les « fatwas », vous rappelez le parallèle que dresse Mohammed Yefsah et Djamel Zerrouk entre Daoud et le Salafiste Hamadache, quel est le dénominateur commun entre les deux ?
D’après Mohammed Yefsah, « Hamadache et Daoud ont un point en commun : des haines et des frustrations, la matrice idéologique de la droite fascisante, mais chacun a sa sémantique. Ils sont des professionnels de la lapidation avec des mots ». Djamel Zerrouk, quant à lui, renvoie dos à dos les deux protagonistes de l’affaire en citant un internaute qui pense que « l’un voudrait être auréolé du titre d’un Salman Rushdie algérien et l’autre de chef d’une antenne algérienne de Daech ».
Certes, je suis contre toute espèce de fatwa provenant d’illuminés qui ont pris la religion en otage, mais il ne faut pas passer sous silence les « fatwas journalistiques » dont le chroniqueur est devenu un expert et qui lui ont valu la célébrité. Ces fatwas avec lesquelles il dégrade ses concitoyens et les rabaisse au niveau de bêtes ou de « tubes digestifs ». Ces fatwas avec lesquelles il discrédite leur foi et leur culture, et leur colle tous les maux de la Terre jusqu’à les traiter de violeurs par essence ou de se demander « En quoi les musulmans sont-ils utiles à l’humanité ? ».
Les deux sont donc des experts de la « fatwa », chacun dans son domaine. D’autant plus que Daoud en connaît un rayon sur le sujet. N’a-t-il pas été, entre 1983 et 1990, imam islamiste de son lycée ? Ce qui fait dire au professeur Abdellali Merdaci : « l’écrivain-chroniqueur et l’imam constituent dans leur singulier face-à-face l’envers et l’avers d’une même histoire tragique ».Dans le camp des défenseurs de Kamel Daoud, vous recensez notamment Manuel Valls, Elisabeth Lévy, Michel Onfray, Alain Finkielkraut, BHL qui ont tous en commun leur engagement sioniste et un puissant attachement à l’Etat d’Israël. En quoi Kamel Daoud intéresse-t-il ce milieu ?
En effet, toutes ces personnes font partie de la « ligue de défense » de Kamel Daoud. Ils se dressent comme une seule personne lorsque leur « protégé » est malmené à cause de ses écrits désobligeants envers sa communauté ou lorsqu’une fatwa est lancée contre lui.
Alain Gresh utilise une terminologie particulière qui explique pourquoi certains auteurs orientaux – comme Kamel Daoud – intéressent cette « ligue » occidentale.
Pour lui, il s’agit d’un « informateur indigène », « quelqu’un qui, simplement parce qu’il est noir ou musulman, est perçu comme un expert sur les Noirs ou sur les musulmans». Selon cette définition, Kamel Daoud est un « musulman qu’on aime bien en Occident ». Il s’agit d’un « « bon musulman », celui qui dit ce que nous avons envie d’entendre, et qui peut même aller plus loin encore dans la critique, car il ne saurait être soupçonné, lui qui est musulman, d’islamophobie ».
Pour Thomas Serres, Kamel Daoud sert d’« alibi ethnique qui vient à l’appui des discours culturalistes, racistes ou islamophobes ».
En écologie, une telle relation entre deux espèces est baptisée « mutualisme ». Il s’agit d’une interaction dans laquelle les organismes impliqués tirent tous les deux un bénéfice de leur association. Transposée aux humains, cette relation n’est viable que si le bénéfice du plus puissant est garanti par le labeur du plus faible. En cas de défaillance, l’association est tout naturellement rompue. Mais le processus ne s’arrête pas pour le plus puissant : il recommence, mais avec un nouvel « alibi ethnique », un autre « informateur indigène ».Vous terminez votre livre sur un message poignant de vérité en écrivant « Je pense que ni Kamel Daoud, ni moi ne serions en train de débattre de la sorte si l’Algérie n’avait pas payé un lourd tribut afin de mettre fin au joug colonial français et accéder à son indépendance ! Dans le meilleur des cas, nous serions, lui à Mesra (village près de Mostaganem) et moi à Fillaoucène (village proche de Tlemcen), en train de garder les cochons et les truies du colon du coin, plongés dans une misère affreuse et une ignorance multigénérationnelle, sauf peut-être l’aptitude à reconnaître les gorets des verrats ». Cette négation du passé colonial et d’une partie de l’identité de l’écrivain est-elle le passage obligé de toute stratégie de reconnaissance par l’Occident ?
En effet, ceux que je désigne sous le vocable d’écrivains « néocolonisés » font tout pour se départir du passé colonial et, de ce fait, d’une partie de leur identité comme expliqué précédemment.
Par exemple, entre les deux voyages du président Macron en Algérie (février et décembre 2017), Kamel Daoud a fait plusieurs déclarations dans ce sens : « l’exploitation de la colonisation de l’Algérie doit cesser », « l’exploitation du fonds de commerce de la guerre d’Algérie doit cesser » ou « le postcolonial m’étouffe ».
Le jour de la deuxième visite du président français, Boualem Sansal a déclaré à un journal français : « L’Algérie, c’est la France, et la France, c’est l’Algérie ! ».
Effacées les 132 années de colonisation, d’exactions, de crimes, de tortures, de viols, d’expropriations et de misère ! Demander une repentance de la France ? Quelle hérésie ! Exiger que la colonisation française soit officiellement déclarée « crime contre l’humanité » ? Quelle ignominie !
Et qu’a dit le président Macron en décembre dernier à Alger ? « Il faut tourner la page ».
Et pourquoi aurait-il dit autre chose puisque les « alibis ethniques », les « informateurs indigènes » ont préparé le terrain du tourne-page ?
Photo d’illustration : Ahmed Bensaada est l’auteur de l’essai : « Kamel Daoud : Cologne, contre-enquête » (Alger, éditions Frantz Fanon, juin 2016 ; préface de Jacques-Marie Bourget)
Ahmed Bensaada, Interview de Lina Kennouche
Al Akhbar [Liban] Édition française
3 mars 2018