Ainsi donc et comme on pouvait s’y attendre, la plus haute juridiction administrative du pays a invalidé l’arrêté municipal interdisant le port du burkini, pris le 5 août dernier par la commune de Villeneuve-Loubet, dans les Alpes-Maritimes et, comme on le sait, une telle décision fera jurisprudence en la matière. C’est la preuve que le mobile derrière l’établissement de ces arrêtés était de nature exclusivement politique, voire politicienne, exacerbée par la proximité de grandes échéances électorales, livrant leurs auteurs à une surenchère ridicule dont le spectacle désolant a fait les gorges profondes des observateurs politiques à l’étranger qui ont dénoncé, à l’instar du New York Times, l’humiliation publique infligée aux musulmanes. Une décision raisonnable, fondée sur le droit et uniquement sur le droit, qui fera prendre conscience à ces boutefeux, qui n’ont pas mesuré les conséquences de leurs honteuses manigances, de leur profonde imbécillité, mais il est à craindre, hélas, que cette décision ne soit pas tout à fait en mesure de calmer les ardeurs des maires prônant l’interdiction dont certains menacent, déjà, de déposer un projet de loi dès la rentrée, visant à interdire le burkini, sans se soucier — aveuglés par l’ignorance — de l’inconstitutionnalité d’une telle loi. .
La plus haute juridiction administrative avait été saisie en urgence par la Ligue des droits de l’homme (LDH) et le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), pour qui ce type d’arrêté est «liberticide». La décision était très attendue. À 15h, le Conseil d’État a décidé de suspendre un arrêté anti-burkini pris le 5 août dernier dans la commune de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes). La plus haute juridiction administrative a estimé que toute interdiction de ces tenues de bain islamiques très couvrantes devait s’appuyer sur des «risques avérés» pour l’ordre public.
«À Villeneuve-Loubet, aucun élément ne permet de retenir que des risques de troubles à l’ordre public aient résulté de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes. En l’absence de tels risques, le maire ne pouvait prendre une mesure interdisant l’accès à la plage et la baignade», écrit le Conseil d’Etat, tout en rappelant que «le maire doit concilier l’accomplissement de sa mission de maintien de l’ordre dans la commune avec le respect des libertés garanties par les lois». À la fin de son ordonnance, le juge des référés conclut que l’arrêté contesté a porté «une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle».
Une décision qui fait jurisprudence
«C’est une décision de bon sens» et «une victoire du droit», a rapidement réagi le secrétaire général du Conseil français du culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri. «Cette décision de bon sens va permettre de décrisper la situation, qui était marquée par une tension très forte parmi nos compatriotes musulmans, notamment chez les femmes», a-t-il ajouté. Cette décision» «aura vocation à faire jurisprudence», s’est félicité Me Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l’homme. «Oui, il y a une atteinte disproportionnée à la liberté des religions et le maire n’avait pas le pouvoir de restreindre cette liberté», a-t-il ajouté.
La décision fait date pour la trentaine de communes françaises ayant pris des arrêtés similaires, mais aussi pour le gouvernement, soucieux de clore un débat qui s’envenime. S’exprimant jeudi pour la première fois sur le sujet, le président François Hollande s’était bien gardé de s’avancer: il a appelé à ne céder ni à la «provocation» ni à la «stigmatisation», mettant en avant le «grand enjeu» de «la vie en commun» dans le pays qui compte la plus importante communauté musulmane d’Europe.
Une du New York Times
Cette décision de la haute juridiction administrative sera aussi regardée avec intérêt au niveau international. où La polémique française sur ces tenues de bain couvrant le corps des cheveux aux chevilles, a été suivie par la presse étrangère et les organisations internationales. La justice française a «l’occasion d’annuler une interdiction discriminatoire qui se fonde sur, et qui nourrit, les préjugés et l’intolérance», avait estimé dans un communiqué John Dalhuisen, directeur du programme Europe d’Amnesty International. Des photos du contrôle mardi par quatre policiers municipaux d’une femme voilée, mais pas en burkini, sur une plage de Nice, publiées en Une du New York Times, avaient aussi suscité un immense émoi. La presse allemande avait évoqué une «guerre de religion» et le maire de Londres Sadiq Khan avait estimé que «personne ne devrait dicter aux femmes ce qu’elles doivent porter».
Voici, par ailleurs, Ce que dit la loi française sur le port du voile
Le burkini s’inscrit dans un débat récurrent en France sur la place de l’islam, émaillé de polémiques et de lois. Le pays a été le premier en Europe à interdire, en 2010, le voile intégral dans tout l’espace public. Le foulard islamique avait auparavant, en 2004, été banni dans les écoles, collèges et lycées publics. Les arrêtés municipaux pris ces dernières semaines allaient encore plus […]
Figaro / AFP / Reuters)