Au commencement, les portes de la grâce étaient ouvertes. Peu à peu, les excès entraînèrent les souillures. Vint alors le temps où les portes se refermèrent en restant toutefois à peine entrouvertes, on pouvait les ouvrir si telle était notre volonté. Puis, la corruption et la dépravation fut telles que les portes se fermèrent, toutefois avec quelque effort soutenu on put encore les ouvrir. Vint ensuite le temps où les portes fermées ne purent s’ouvrir qu’avec des clés. Puis il fut difficile de trouver les clés, elles se firent de plus en rares. Enfin, ceux qui détenaient les clés, les cachèrent aux yeux des autres, pour les induire en erreur et mieux les asservir. Les détenteurs de clés fabriquèrent ensuite de fausses clés et de fausses portes, ouvrant sur de fausses grâces, et de vrais drames. La supercherie dura longtemps, car tous cherchaient à se gaver de fausses grâces. Peu y parvenaient. Beaucoup d’appelés et peu d’élus. Les élus minoritaires suscitèrent l’hostilité des non-élus majoritaires. Ce fut une lutte à mort pour acquérir ces fausses grâces, ce qui entraîna le chaos. Pour trouver des solutions à ce chaos, on se référait toujours aux fausses portes et aux fausses clés. Les débats les plus contradictoires s’articulaient toujours selon les fausses portes et les fausses clés. Et ceux qui dénonçaient ces portes et ces clés fausses étaient exclus de tous les débats. Mais vint le temps où ces dénonceurs s’insurgèrent et où la majorité les suivit. Ces insurgés réclamèrent les vrais clés à ceux qui les retenaient cachées. Mais les détenteurs de vrais clés ne voulaient résolument pas les leurs céder et induisaient toujours en erreur ceux qui les leurs réclamaient. Les détenteurs de vrais clés furent alors attaqués brutalement et le sang coula à flots. Les détenteurs de vrais clés périrent brulés vifs, mais les clés ne furent pas retrouvées. Le désespoir, la douleur et la désolation furent insoutenables… La mort régna en maître, on l’attendait comme une libération, ou on ne l’attendait pas. On en vint à penser que la porte de la grâce était la mort elle-même. La mort devint sacrée et la naissance une malédiction. Ceux qui se donnaient la mort devenaient des héros. Les cadavres en décomposition se répandaient sur les trottoirs où grouillaient les rats. Le ciel était envahi de vautours et les enfants étaient abandonnés ou tués. Et une porte s’ouvrit… Un petit homme apparut avec un dossier sous le bras et proclama à contrecœur : « Bon, j’ai bien réfléchis avec les experts : on va baisser le taux d’intérêt ».
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