J’ai réalisé une petite recherche insistante sur le 49.3, son histoire ainsi que le contexte légal de son utilisation politique. Il appert que c’est une loi de la Ve république qui a été concoctée pour assurer le passage en force d’une loi, malgré l’opposition de sa propre majorité ! Ceci est en soi une insulte à la démocratie lorsque l’on sait quels types de lois peuvent passer contre l’intérêt même du peuple. Son utilisation engage la responsabilité du gouvernement (sic) ce qui ne veut pas dire grand chose,puisque les gouvernements successifs des 50 dernières années ont littéralement détruit le pays, sans que la responsabilité de quiconque n’ait été engagée…
Sauf que, on lit ici et là que le 49.3 n’est utilisable qu’une seule fois par session parlementaire (sachant qu’une session c’est une année du début octobre à fin juin, depuis 1995) dans le cas d’un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, alors que dans le cas présent, nous sommes devant une loi sur le travail, loi proposée par le ministère du travail et non par celui des finances ou de la sécurité sociale. D’autant que le recours au 49.3 est limité à une seule utilisation par session.
Bref, la question est simple : y aurait-il un juriste parmi nos lecteurs qui puisse nous éclairer davantage sur le 49.3 et ses conditions d’utilisation ? Merci d’avance.
Pour continuer dans le burlesque et le ridicule, chaque camp de l’opposition critique cette loi dès qu’il en a la possibilité, à l’instar de F. Hollande qui l’a utilisée déjà l’année dernière pour la loi Macron et cette année pour la loi travail – utilisé en tout 5 fois en 27 mois de gouvernance Valls – alors que son discours en 2006 était très virulent : « Le 49-3 est une brutalité, le 49-3 est un déni de démocratie, le 49-3 est une manière de freiner ou d’empêcher le débat parlementaire » ! N’est-ce pas comique ? Un peu insultant envers le peuple mais néanmoins comique.
Le gouvernement Valls vient de recourir à l’article 49.3 de la Constitution sur la loi Macron. Le recours au 49.3 est aujourd’hui exceptionnel. Sa dernière utilisation datait de 2006, sous Dominique de Villepin, avec le CPE.
Mais le gouvernement de Michel Rocard l’a utilisé 28 fois. Le gouvernement ne peut tomber que si une motion de censure est votée.
Le 49.3, c’est quoi ?
L’article 49-3 de la Constitution permet au premier ministre d’engager sa responsabilité sur un texte de loi. Lorsqu’il n’y a pas de majorité en faveur du projet de loi, le 49.3 permet de faire adopter un texte sans vote. C’est donc un aveu de faiblesse pour l’exécutif et un passage en force.
Le projet de loi est considéré comme adopté sauf si une motion de censure, déposée dans les 24 heures, est votée par l’Assemblée. Si la motion de censure est votée, le gouvernement doit démissionner. Sous la Ve République, une seule motion de censure a été votée, en 1962, contre le gouvernement de Georges Pompidou.
Combien de fois le gouvernement peut-il utiliser le 49.3 ?
L’article 49-3 ne peut être utilisé que sur un projet de loi budgétaire, ou une fois par an seulement, s’il s’agit d’un autre texte. Le Premier ministre ne peut y recourir qu’après délibération du Conseil des ministres. Avec l’utilisation du 49.3 sur le projet de loi Macron, le gouvernement ne pourra donc plus utiliser cette procédure cette année. Mais dans le calendrier parlementaire, il n’y a a priori pas d’autres textes qui poseront autant problème.
Le 49.3 a-t-il souvent été utilisé ?
Si le recours au 49.3 est aujourd’hui assez exceptionnel – il n’a pas été utilisé sous Nicolas Sarkozy avec le premier ministre François Fillon et son dernier recours remonte à 2006 avec Dominique de Villepin – il a été utilisé à 45 reprises depuis le gouvernement de Michel Rocard en 1988.
– Gouvernement Michel Rocard (mai 1988-mai 1991) : 28 recours au 49.3.
Le premier ministre n’avait alors pas de majorité absolue au Parlement. Il a donc engagé à 28 reprises la responsabilité de son gouvernement via l’article 49-3. Aucune des cinq motions de censure déposées par l’opposition ne seront adoptées. Quinze textes sont adoptés grâce au 49-3, notamment la loi créant le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la réforme du statut de la Régie Renault et la loi de programmation militaire 1990-1993.
Regardez un reportage télé de l’époque lors de l’examen du texte sur le CSA :
– Gouvernement d’Edith Cresson (mai 1991-avril 1992) : 8 recours au 49.3. Le premier ministre fait usage à huit reprises de l’article 49-3, pour faire passer en force quatre projets de loi, notamment le budget de 1992, la loi de finances rectificative pour de 1991 et l’agence du médicament et régulation des dépenses.
– Gouvernement de Pierre Beregovoy (avril 1992-mars 1993) : 3 recours au 49.3.Malgré une opposition très offensive à l’approche des élections, le gouvernement échappe sans difficulté à deux motions de censure et limite ses recours à l’article 49-3 à trois textes : maîtrise des dépenses de santé, budget 1993 et fonds de solidarité vieillesse.
– Gouvernement d’Edouard Balladur (mars 1993-mai 1995) : 1 seul recours au 49.3. Le premier ministre dispose alors d’une large majorité à l’Assemblée nationale. Il engage la responsabilité de son gouvernement pour couper court à « l’obstruction parlementaire » menée selon lui par l’opposition, qui a déposé quelque 3.800 amendements contre le projet de loi sur les privatisations d’entreprises publiques.
– Gouvernement d’Alain Juppé (mai 1995-juin 1997) : 2 recours au 49.3. L’article est utilisé en décembre 1995 pour faire passer le projet de loi l’autorisant à légiférer par ordonnances pour réformer la protection sociale, puis en juin 1996 pour faire adopter le projet de loi sur le statut de France Télécom, avant la fin de la session parlementaire.
– Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin (mai 2002-mai 2005) : 2 recours au 49.3. Jean-Pierre Raffarin s’est saisi deux fois de l’article 49-3. Alors que la gauche et l’UDF ont déposé quelque 13.000 amendements sur sa réforme des modes de scrutin régional et européen, il décide une première fois le 15 février 2003 d’engager la responsabilité de son gouvernement. Une motion de censure déposée par l’opposition de gauche est rejetée. Jean-Pierre Raffarin l’utilise à nouveau pour le projet de loi sur la décentralisation.
Regardez un reportage de 2004 sur le sujet. A l’époque, Jean-Marc Ayrault, qui était alors président du groupe PS, dénonçait un « caprice personnel » :
– Gouvernement de Dominique de Villepin (mai 2005 – 15 mai 2007) : 1 recours au 49.3. Le 9 février 2006, Dominique de Villepin utilise le 49.3 pour faire passer le projet de loi pour l’égalité des chances qui inclut le très contesté contrat première embauche (CPE). Le projet de loi sera adopté, mais la mobilisation massive de la rue finira par signer la mort du CPE, qui sera abrogé.
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