Quelle chose extraordinaire que l’inconnu, il a le pouvoir, d’un geste, de nous mettre à nu et de nous révéler à nous-mêmes et aux autres. Voici qu’à la suite de je ne sais quel coup de foudre, les Algériens se réveillent d’une longue, douloureuse et honteuse soumission, se libèrent de leurs fers et de la peur, et, heureux et confiants, envahissent les rues printanières pour chasser le dictateur et tenter de reprendre le cours de l’histoire nationale, là où le dictateur et son clan l’ont interrompu, un certain 5 juillet 1962, le jour béni de l’indépendance.
Rêves brisés
Fort de ses canons et de sa religion totalitaire, le clan de Bouteflika a brisé les rêves de liberté et de progrès des Algériens, sortis exsangues d’une guerre de libération de sept longues années et demie, et a fait de leur terre une nouvelle colonie. Cinquante-sept années sont passées et l’Algérie est toujours une colonie à décoloniser. Et, depuis ce jour noir, les Algériens, dans un curieux mouvement relativiste, fuient massivement chez l’ancien colonisateur et il se pourrait que le flux soit bien plus fort dans les mois à venir.
On a pu être impressionné par l’ampleur des manifestations et leur belle tenue, comme on a pu s’étonner que le pouvoir n’ait pas immédiatement, comme à son habitude, sorti ses chars et ses hélicoptères, tiré dans le tas et décrété l’état d’urgence, ou lâché ses baltaguias (« voyous ») pour terroriser la population et la pousser à se barricader chez elle. Tout ceci va arriver, mais pour le moment le pouvoir est convaincu que ces manifestations sont superficielles et qu’elles s’étioleront devant sa détermination à maintenir les élections et à octroyer un nouveau mandat à son champion, chose acquise à présent que l’intéressé a confirmé sa candidature à partir de son lit d’hôpital à Genève. […]