J’en avais déjà parlé dans mon ouvrage La Faillite du monde moderne, à la page 57 : “Le nec plus ultra de la technologie financière est le High Frequency Trading ou HFT. C’est le fait de pouvoir acheter tellement vite, dans des délais de quelques microsecondes, qu’on arrive à prendre tout le monde de court. Ce sont des milliers d’opérations par seconde qui permettent de faire des petits profits qui, additionnés les uns aux autres, forment des milliards. Certains vont même jusqu’à construire leurs locaux à quelques mètres des banques pour gagner quelques micro-secondes sur le trajet de la fibre optique.” C’est de la pure spéculation ! Cinq ans après le krach de 2010, les services de sécurité portent leurs soupçons sur l’auteur de cette manipulation qui a permis grâce au HFT de gagner pas moins de 40 millions de $ entre 2010 et 2014. Ce sont les gangsters de la finance, ceux que l’on appelle les banksters. Ce sont eux qui ruinent la planète entière, car ils ne produisent aucune richesse. Ils vivent dans un monde virtuel en faisant valser les chiffres, les faisant passer d’une colonne à l’autre.
Navinder Sarao est soupçonné, par ses manipulations, d’avoir contribué à la chute de 1.000 points du Dow Jones le 6 mai 2010.
A la demande du département de la Justice américaine, Scotland Yard a annoncé l’arrestation à Londres de Navinder Singh Narao, dont la société Nav Sarao Futures est accusée d’avoir contribué au « flash crash » du 6 mai 2010 – la chute brutale de Wall Street – en manipulant les contrats sur indices boursiers (E-mini S&P500). Les autorités mettent ainsi un visage sur un des événements de marché les plus controversés, cinq ans après ce choc boursier sans précédent.
Alertes ignorées
Entre 2010 et 2014, le THF a gagné près 40 millions de dollars grâce à ses manipulations, dont près de 1 million de dollars le jour du « flash crash » du 6 mai 2010. Ses techniques diverses reposent sur un principe : créer l’illusion d’un excès de ventes ou d’achats. Exemple ? La firme place une multitude d’ordres de vente pour inciter les autres opérateurs à vendre aussi des contrats. Le THF annule ensuite très vite ses ordres de vente et achète des contrats à un cours plus bas. Pour les vendre plus haut et réaliser un profit, il procède à la manipulation inverse, grâce à sa vitesse et son ingéniosité, qui n’étaient pourtant pas passées inaperçues. En effet, le Chicago Mercantile Exchange, où la société traitait des contrats, avait alerté dès 2009 la firme de THF pour lui faire part de son mécontentement sur ses agissements, notamment à l’ouverture du marché. Des remarques qui resteront au stade des réprimandes malgré le caractère peu convainquant des réponses apportées par Navinder Sarao, qui a vertement invité le CME à « s’occuper de ses affaires ». Un an plus tard, il va justifier les appréhensions du CME, au delà des pires cauchemars du marché à terme.
Grande peur du « black out » boursier
Ce jour du 6 mai, il vend à lui seul 62 000 contrats sur E-mini (des contrats sur le S&P 500), soit 3,5 milliards de dollars, et contribue à précipiter le krach éphémère de Wall Street, une chute de 1.000 points de l’indice Dow Jones. Ses ordres de vente artificiels, à certains moments, étaient égaux à l’ensemble des ordres d’achats de tous les intervenants… L’interaction du THF avec ses semblables reste un mystère : en observant qu’un de leurs concurrents se livrait à ses manipulations, des THF ont-ils décidé de se retirer brutalement du marché percevant les dangers de la situation ou ont-ils contre-attaqué en se livrant eux aussi à des opérations de contre-manipulation ? Sarao fut un des éléments déclencheurs de ce qui allait devenir la grande peur des marchés : les flash crash, ces nouveaux trous noirs de la finance moderne. Le trader a continué ses manipulations après le flash crash sans être inquiété.
Malaise chez les THF
Pendant près de cinq ans, les THF ont toujours catégoriquement nié avoir contribué à cet événement exceptionnel et retentissant. C’est cet épisode qui a incité Michael Lewis à écrire son brûlot contre le trading haute fréquence, « Flash boys ». Le rapport publié par les autorités sur le flash crash avait largement dédouané les THF, mais avait été très contesté dans ses conclusions et méthodologie. Le monde des THF a réagi en estimant qu’il s’agit là d’un franc-tireur, un mouton noir, qui ne représente même pas leur activité. Il s’agit en effet d’une des très petites firmes, loin des grands noms du secteur, Virtu ou KCG, Optiver, Jump, qui comptent des centaines de collaborateurs et ont à cœur de préserver leur réputation. Les titres des THF cotés en Bourse (Virtu et KCG) ont d’ailleurs progressé mardi, le signe que le marché ne voit pas de menaces pour ces firmes bien établies. Dans le monde du trading haute fréquence, les arrestations sont plutôt rares et concernent les cas de collaborateurs qui ont volé des données, codes, algorithmes de leur firme pour monter leur société ou rejoindre la concurrence. L’arrestation de Navinder Sarao a été permise grâce aux informations et à l’aide d’un informateur.