La chanson de Jamala sur les Tartares de Crimée
Le festival européen de la chanson n’est plus une tribune d’art, depuis que les mœurs imposent le triomphe final de gens sans talent qui ne cultivent que l’art du scandale, au détriment des honnêtes candidats comme ces Hongrois qui durent retirer l’an dernier leur chant sur les souffrances des Gazaoui ! Son audience est sous le contrôle de forces médiatiques puissantes filtrant tout sentiment vrai, mais une faute déchire parfois les mailles du filet, comme dans le cas de cette artiste authentique, chanteuse d’opéra, qui représenterait cette année l’Ukraine, la Kirghize de naissance, Jamala et son chant intitulé « 1944 » sur une tragédie contemporaine de celle des Palestiniens, des plus de deux cent mille Tartares de Crimée déportés par Staline en Asie centrale et qui ne revinrent décimés et au compte goutte qu’en 1956 quand celui qui portait civilement le nom de Khrouchtchev voulut, dans le conflit de l’automne, s’attirer les sympathies de la communauté musulmane, lors de l’affrontement franco-anglo-égyptien, à la faveur duquel l’entité sioniste agrandit ses frontières.
Il nous reste des témoignages visuels filmés par la propagande officielle de cette éviction des Tartares de leur patrie de Crimée, avec les explosions de mosquées, les incendies de villages etc., terrorisant la population pour l’obliger à atteindre les déserts d’Asie Centrale où leur situation ressemblait à celle des réfugiés orientaux évoqués plus haut.
D’autres peuples chrétiens souffrirent dans les mêmes conditions pour les mêmes raisons, celles d’une alliance anticommuniste avec les adversaires de Staline que l’on n’a pas besoin de nommer, en premier les Cosaques ; d’autres Tartares aussi vivant depuis des siècles en Pologne, comme on l’ignore si on ne regarde que BFMTV, ayant subi le même sort ! Dans le sud de l’Autriche à Bleiburg le 13 mai 1945 des dizaines de milliers de cavaliers cosaques dont 12.000 femmes et enfants livrés par Churchill aux communistes, préférèrent avec leurs familles à cheval, se précipiter dans le vide plutôt que d’être comptés parmi d’innombrables victimes des liquidations de masse soviétiques que l’on met sur le compte des victimes de guerre, alors qu’elles sont d’après guerre !
Et voilà justement comme on écrit l’histoire. Et puis fiez-vous à messieurs les savants, avertissait Voltaire dans une charmante comédie.
Dans l’actuelle croisade occidentale, terroriste, les peuples anciennement victimes des mêmes hommes qui, les premiers avec enthousiasme en Russie rouge, soutinrent la colonisation des Arabes du mandat britannique, sont aujourd’hui entôlés dans un combat pour soutenir, en fait, les intérêts des mêmes meurtriers et tortionnaires de leurs ancêtres : tchétchènes, ouïgours etc. comme les compagnons d’Ulysse entendaient le chant des Sirènes.
Qu’en résulte-t-il sinon cette maxime que toute injustice se paye, car elle provoque un déséquilibre et la chanson de Jamala devra réveiller de sa torpeur tous ceux qui se racontent des fables sur leur passé et imaginent réussir l’épreuve de force qu’une Providence, que les aveugles nomment une destinée, impose aux nations.
Cette chanson, si elle est retenue, sera, diront ceux qui géopolitisent et ne supportent pas une critique de la Russie, une « vérité dans la robe du mensonge » pour reprendre une formule de Schopenhauer sur les fausses religions, mais c’est une vérité dont le corps porte les marques de la torture infligée à un peuple ignoré !