« Transgresser des tabous pour résister à l’aliénation ».
Tel est le titre de la chronique de Ghaleb Bencheikh parue dans El-Watan du 9 juillet, un titre on ne peut mieux explicite sur les intentions véritables de ce physicien converti à la franc-maçonnerie, après avoir abjuré l’islam, la religion de ses ancêtres. Je m’explique.
Bencheikh parle de transgresser des tabous mais lorsqu’il développe son discours, il n’en cite aucun, si ce n’est l’expression clairement affichée de s’attaquer au dogme même de l’islam. En guise de tabous, il cite pêle-mêle, la polygamie, le prêt à intérêt usuraire, la nourriture halal et le charlatanisme, alors que, hormis la polygamie qui est certes permise mais soumise à des conditions tellement draconiennes qu’elle est difficile à réaliser dans le respect de la loi coranique, il s’attaque au fondement imprescriptible de la religion, qui se perpétue depuis des siècles et auquel nul ne saurait toucher.
Pour donner plus de poids et de crédit à ses divagations, Bencheikh a cru pertinent de citer Djamaleddine Al-Afghani et Mohamed Abdou, deux réformateurs de l’islam, connus eux aussi pour leur conversion à la franc-maçonnerie. Affublé du titre pompeux de Cheikh, il avait en son temps autorisé, affirme-t-il, le prêt à intérêt. De même qu’il avait autorisé la nourriture non-halal dans les contrées non islamiques. Or, le prêt à intérêt, c’est-à-dire la pratique de l’usure, est expressément interdit en islam1. Il s’agit d’un péché capital irrémissible.
Il cite par la suite la pratique du charlatanisme alors qu’elle est fermement condamnée et ses adeptes voués aux gémonies ici-bas et à la géhenne dans l’Au-delà. En parler et le condamner n’a donc jamais été un tabou, bien au contraire !
Comment peut-on remettre en cause avec autant de légèreté des prescriptions aussi capitales sans porter atteinte aux fondements mêmes de la religion ? Nous avons tous observé la faillite des économies mondiales fondées justement sur le prêt usuraire. Combien de familles ont été réduites à la misère, combien de nations ont été entraînées dans cette spirale infernale avec à la clé une dette colossale impossible à rembourser. L’exemple le plus récent est celui de la Grèce. À la fin du premier trimestre 2015, notre dette publique s’établissait à 2 089,4 milliards d’euros (97,5 % du PIB), en hausse de 2,5 % sur trois mois et de 4,5 % sur un an.
Il s’agit là d’une prescription divine et quand on y déroge, on ne peut échapper à la malédiction. Toutes les personnes qui se sont livrées à cette pratique ont, tôt ou tard, eu à le payer chèrement. C’est lorsque l’on se soumet au diktat des usuriers que l’on s’aliène, Monsieur Bencheikh !
Quant à la nourriture non halal, elle est exceptionnellement permise2 en effet, mais la règle est claire. Quand le musulman s’installe dans un pays non islamique et qu’il se sédentarise, il se doit de respecter cette prescription. Il ne s’agit aucunement de tabous mais de règles de base, de dogme.
Si la communauté musulmane était unie et organisée, le respect de ces règles ne poserait aucun problème. La communauté juive est particulièrement sourcilleuse sur ces sujets. A-t-on un jour entendu un Grand Rabbin parler d’aliénation et de la nécessité de transgresser des tabous pour y résister ?
Ghaleb Bencheikh est un franc-maçon invétéré3. Grand bien lui fasse ; mais de grâce, s’agissant de l’islam, qu’il ne vienne pas s’immiscer dans les affaires du culte. Et qu’il ne se dise surtout pas musulman, lui le laïc, c’est-à-dire l’ignorant selon la signification étymologique du mot, contrairement au clerc qui signifie savant. Les musulmans n’ont pas besoin de ses conseils « avisés »
Il est regrettable qu’un journal algérien ait accepté de lui offrir une tribune pour déblatérer ces insanités. Rien d’étonnant en fait, lorsque l’on sait que l’Algérie a été prise d’assaut par des organisations cryptomaçonniques4 qui ont envahi certains cercles intellectuels et y inoculent le germe du bigotisme anticlérical et du laïcisme devenu une religion à part entière.
Que cherche au juste ce dandy mignard affecté d’un pédantisme efféminé ? Cherche-t-il à dépouiller l’islam de tout ce qui fait sa grandeur ?
Il est évident qu’il n’a pas encore donné libre cours à ses errances. Il est à Alger et il procède par étapes. Une fois le prêt à intérêt (riba) banalisé et autorisé, une fois la nourriture illicite halalisée, voudrait-il passer à autre chose : la nudité, la mixité gaillarde des orgies romaines, la liberté des mœurs, la PMA-GPA, l’alcoolisation de masse, la théorie du genre et que sais-je encore. Bref, la dissolution de l’islam dans le laïcisme et son paradigme mortifère…
Ce dégénéré ose écrire : « C’est avec audace que nous nous affranchirons des enfermements doctrinaux et c’est avec fermeté et confiance que nous pourrons dégeler les glaciations idéologiques religieuses. Cette manière d’agir conforme à la vocation, à la tâche et au rôle de l’intellectuel engagé permet, comme le disait Si Mohammed Arkoun – Allah yarhamou –, de libérer l’esprit de sa prison. Et ce n’est pas rien par les temps qui courent. »
Ainsi, il cite en guise de référence morale ce laïciste de Taourirt-Mimoun (Kabylie) qui n’avait lui aussi absolument aucune leçon à donner aux musulmans authentiques, lui qui avait négligé sa propre mère et l’avait abandonnée à son triste sort, au village, pendant que lui-même menait grand train à Paris, en violation totale des préceptes coraniques5.
Je demande pour ma part à rester enfermé dans cet univers que Ghaleb Bencheikh décrit comme une prison et duquel il voudrait « généreusement me libérer ». Qu’il sache que ce monde merveilleux m’apporte, en ce qui me concerne, cette paix intérieure, cette sérénité et ce bonheur indicible que lui ne connaîtra probablement jamais6.
1. Coran, II-275, 276, 278-280 ; III-130 ; XXX-39. Allah dit : « Ô croyants, craignez Allah et renoncez au reliquat de l’intérêt usuraire, si vous êtes croyants » II-278 ; puis : « Et si vous ne le faites pas, alors recevez l’annonce d’une guerre de la part d’Allah et de son Messager. Et si vous vous en repentez vous aurez vos capitaux. Vous ne lèserez personne et vous ne serez point lésés. » II-279
2. Coran, II- 173 « …Mais pour celui qui y sera contraint par la nécessité, n’étant pas désobéïssant et ne dépassant pas les limites, ce ne sera pas un péché ; asssurément, Allah est Très-Pardonnant, Miséricordieux.
3. Franc-maçonnerie et société : cercle d’études et d’expression publique.
http://fm-et-societe.fr/conseil-dorientation/les-membres-du-conseil/
4. Lions club, Rotary international, https://www.lelibrepenseur.org/lions-club-et-secte-maconnique-en-algerie/
5. Coran, XVII-23 ; XXIX-8-9 ; XXXI-14 ; « Ton Seigneur a décrété : n’adorez que Lui ; et (marquez) de la bonté envers les père et mère : si l’un d’eux ou tous deux doivent atteindre la vieillesse auprès de toi, alors ne leur dis point : « Fi » et ne les brusque pas, mais adresse-leur des paroles respectueuses. »
6. Coran, II-5 « Ceux-là sont sur le bon chemin de leur Seigneur, et ce sont eux qui réussissent (dans cette vie et dans la vie future) ; X-9 « Ceux qui croient et font de bonnes œuvres, leur Seigneur les guidera à cause de leur foi… »
Transgresser des tabous pour résister à l’aliénation
D ans le sillage de ce que nous évoquions hier, ce sont la suspicion dans laquelle étaient tenus les philosophes occidentaux et la défiance vis-à-vis de leurs œuvres qui ont aggravé l’état d’indigence intellectuelle et de déshérence culturelle que nous connaissons dans le monde arabo-islamique.
A ce sujet, et prenant en considération une interrogation d’un lecteur peu amène qui s’étonne, entre autres récriminations, pourquoi c’est l’adjectif «islamique» et pas «musulman» qui vient qualifier le monde. La réponse est tout simplement : parce que le monde n’est pas un être doué de raison ni animé d’une vie comme les personnes humaines.
Chez les puristes, in fine, ce sont les hommes et les femmes puis les communautés et les peuples qui, en toute rigueur, sont désignés par le terme «musulmans» et le reste sera qualifié d’islamique. La digression n’était peut-être pas nécessaire mais elle aura permis de préciser l’emploi de ces adjectifs une bonne fois pour toutes.
Toujours est-il que ce qui nous importe maintenant, c’est comment, dans la suite de l’œuvre de ce qu’on appelle les maîtres du soupçon que furent Marx, Nietzsche et Freud, nous pourrions transgresser des tabous. Le but n’est pas une recherche d’une quelconque jubilation blasphématoire à le faire ni de commettre quelque sacrilège, mais la finalité de cette transgression est d’oser interroger les présupposés philosophiques et métaphysiques de tout ce qui a été enseigné, inculqué, appris et sacralisé par des siècles de mimétisme et de représentation figée, au mieux reproduite à l’identique.
Parce que, dans certains cas, la régression est tragique, à l’exemple de ce que pourrait dire un imam autoproclamé ignare de nos jours et qui révulserait un Djamel Eddine Al Afghani ou un Mohammed Abdou, dont les fatwas sont totalement oubliées. Le cheikh d’Al Azhar, pour ne citer que lui, ne s’accommodait pas en son temps du régime matrimonial basé sur la polygamie qu’il avait interdite. Et il n’était pas rebuté par le prêt à intérêt qu’il avait autorisé. Comme il avait permis aux musulmans en dehors des contrées islamiques à manger de la nourriture non halal. Il le faisait et agissait comme une autorité religieuse disant le droit.
Aussi la transgression dont nous parlons se présente-t-elle comme une déclaration de résistance face à l’aliénation. Elle sonne comme un refus de se laisser embourber dans les méandres de la crétinisation des esprits et de mettre fin à la régression tragique.
Les dégâts terribles sur la psyché des musulmans sont occasionnés par le charlatanisme généralisé à base de ruqia, de djinns, de Gog et Magog et de tourments de la tombe. Le discours ambiant ne porte en gros que sur les signes avant-coureurs de la fin des temps. Eh bien, l’enfreindre et y contrevenir dans son littéralisme abêtissant est une action salutaire.
Elle s’apparente au coup de bambou que donne le maître lama au bonze pour le faire sortir de sa méditation. Alors que dire, s’il faut faire sortir toute une nation de sa léthargie. Une léthargie rendue possible à cause du sommeil de la raison.
Et, lorsque celle-ci se réveille, elle se teinte de religiosité. La visée de cette «désobéissance» est d’en finir avec «la raison religieuse dévote» et de contenir «la pensée magique». C’est ainsi que nous sortirons des clôtures dogmatiques, toutes, quelles qu’elles soient y compris celles de l’esprit moderne.
C’est avec audace que nous nous affranchirons des enfermements doctrinaux et c’est avec fermeté et confiance que nous pourrons dégeler les glaciations idéologiques religieuses. Cette manière d’agir conforme à la vocation, à la tâche et au rôle de l’intellectuel engagé permet, comme le disait Si Mohammed Arkoun – Allah yarhamou –, de libérer l’esprit de sa prison. Et ce n’est pas rien par les temps qui courent.Ghaleb Bencheikh, (El-Watan), 9 juillet 2015