Le concept de dissidence, n’étant moi-même par devoir, engagé dans aucun parti, sauf celui de prendre résolument parti contre les injustices délibérées qui sont le collier du Diable, dont on affuble tous les critiques de la vie politique et morale contemporaine, me semble inapproprié, d’abord historiquement puisqu’il reprend le terme de désobéissance au gouvernement français de l’époque de notre défaite nationale, et que cette dissidence, terme péjoratif, était soutenue par ces mêmes forces occultes que nous prétendons, chacun à notre manière, dénoncer, en instruire nos neveux ou les générations montantes, et logiquement l’on ne se définit pas par l’autre mais par soi-même, non pas de ce dont on se sépare mais ce que l’on apporte, par une adhésion ou foi…
Les dissidents sont eux-mêmes en conflit mutuel, car être anti quelque chose n’a jamais eu l’effet positif, comme si la santé se réduisait à rejeter le poison du corps, encore faut-il le développer, appliquer cette doctrine pratique que l’on attribue au Christ philosophe, non historique – car le premier seul est démontrable, le second hypothétique – qu’ils ont des yeux et ne voient pas. Or exercer ses yeux, est le développement de l’hygiène physique, et en savoir l’existence et le nombre, le propre du sage intégral.
Nous avons des antifascistes et des anticommunistes, comme le fut Churchill qui s’allia avec leur chef Staline, nous avons des anti islamistes qui s’empressent d’armer et d’entretenir leur nombre pourvu qu’ils aillent effectuer leur carnage dans la cour des chrétiens et musulmans d’Orient. Nous avons des lutteurs contre la corruption qui sont eux-mêmes des monstres, et auxquels nous ne confirions pas l’éducation de la jeunesse, et cependant discourent, satisfaits d’eux mêmes.
Aux dissidents français, car ce terme ne s’entend pas aux pays du bon sens, mais sur une terre d’agités révolutionnaires, en crise chronique, nous adressons, pour leur examen de conscience auquel les invite le dernier livre de Salim Laïbi, qui n’est pas un pamphlet mais une étude clinique, ce texte du normand Rémy de Gourmont (1858-1915), tiré de son essai politique, Le joujou patriotique (collection mille et une nuits, numéro 355, 62 pages, p.20 et suivantes) apporté par un ami corse parisien, J.P. sur ces nerveux et fébriles anti, que les psychiatres nommaient, après les exorcistes, d’un mot grec, des énergumènes : « Il y eut toujours des gens à se proclamer anti quelque chose, anti quelqu’un ; ce sont ceux qui, capables seulement de sensations négatives, sont mus presque uniquement par le banal esprit de contradiction ou (à partir du verbe grec misein, haïr) le misonéisme dont parle Lombroso, la haine du nouveau. Quant aux mobiles avoués par ces très médiocres esprits, ils sont au contraire grandioses : ce sont l’honneur national, le salut de l’État, le patriotisme. Tout au fond d’eux-mêmes il y en a deux autres, mécanismes incessamment en mouvement ; une basse ambition et une incurable sottise. La sottise est peut-être ce qu’il y a de plus constant dans l’humanité. Parfois on ne la sent pas, elle dort, mais vienne une température d’orage et elle se répand dans les villes, emplit les rues, monte jusqu’aux mansardes – telle qu’une odeur d’égout. »
C’est elle qu’a sentie le vigilant Salim Laïbi, et son avertissement est utile à tous ceux qui veulent éloigner le spectre renforcé par le mauvais usage de la dissidence, de la guerre civile et autre que le vieil ennemi, selon l’expression pour désigner le rebelle à Dieu, nous prépare.