
La prophétie de Jack London
Si je recommandais un livre à la jeunesse méprisée ou abusée par ce que, d’un terme américain, en 1907, le nommé Griffith, au nom de plume de Jack London, entendait par un mécanisme politique, ce serait ce roman d’anticipation sociale intitulé Le Talon de Fer. “Le Talon de Fer est le terme énergique par lequel Jack London désigne la ploutocratie“, ainsi le présente le littérateur Anatole France, qui sympathisa avec le parti communiste et comme lui l’ignoble terroriste Bronstein dit Trotski, qui fut marchand de casquettes au quartier latin et fondateur de l’Armée rouge, réfugié aux États-Unis, où il avait fui déjà, au début du siècle, et au Mexique où il se fera défoncer le crâne par un agent du Komintern, de la même espèce, insistera sur la vue réaliste de Jack London. Mais laissons l’écorce et extrayons le noyau.
Le livre se veut le document que l’humanité découvre, trois siècles après le règne masqué et à la brutalité aussi diverse que féroce d’une oligarchie mondiale, non pas seulement offensive, ou, selon le mot reçu, réactionnaire dans le sens de répressif, mais hypocrite, et plus qu’avide de puissance, mentant sur la qualité de ses produits, au détriment de la santé physique, autodestructrice.
Ce n’est point une vision fantastique, mais une observation faite au début du dernier siècle, que nous reproduisons ainsi dans la bouche d’un militant socialiste américain, Ernest figure centrale du roman d’un auteur connu pour ses livres d’aventure et sa connaissance du monde animalier, sans omettre son courage physique. Voici comme il présente Big Pharma ! Alors imaginez les progrès accomplis par le Diable en un siècle : “J’ai connu des gens que la brutalité des assauts de boxe mettait hors d’eux-mêmes, mais qui se faisaient complices des fraudes alimentaires par lesquelles périssent chaque année plus d’innocents que n’en a massacré Hérode aux mains rouges. J’ai vu des piliers d’église” — et ceci rappelle une observation sur les Anglicans aux États-Unis esclavagistes faite par Arthur Schopenhauer, le philosophe haï par la gauche caviar — “qui souscrivaient de grosses sommes aux missions étrangères, mais qui faisaient travailler des jeunes filles dix heures par jour dans leurs ateliers pour des salaires de famine et par le fait, encourageaient directement la prostitution… etc. Et voici l’ancêtre de Big Pharma : ” Ce directeur de journal qui publiait des annonces de remèdes brevetés me traita de sale démagogue” poursuit le socialiste idéaliste américain nordiste Ernest “parce que je le mettais au défit de publier un article disant la vérité au sujet de ces drogues.” Une note de l’auteur donne cette précision que nos contemporains goûteront sans étonnement : “Les remèdes brevetés étaient des escroqueries patentées, mais le peuple s’y laissait prendre comme aux charmes et aux indulgences du moyen-âge. La seule différence est que les remèdes brevetés étaient plus nuisibles et coûtaient plus cher.”
[…] il s’en suivra une ère de corruption en haut lieu ; et le pouvoir capitaliste du pays s’efforcera de prolonger son règne en s’appuyant sur les préjugés du peuple…
Ce qui fit l’originalité de Jack London et explique que son ouvrage n’est pas l’objet d’une forte publicité, est le pressentiment d’une oligarchie — terme familier aux Russes qui la subissent comme un animal à plusieurs gueules — qui répand le désordre et en tire de la force pour devenir une omnipotence absolue : “une ombre colossale et menaçante“, explique le héros Ernest Everhard à son futur beau-père “commence dès maintenant à se projeter sur le pays. Appelez cela l’ombre d’une oligarchie, si vous voulez : c’est la définition la plus approximative que j’ose en donner. Je me récuse à imaginer quelle en est au juste la nature. Mais voici ce que je tiens surtout à vous dire. Vous êtes dans une situation dangereuse.” Et de citer une déclaration du “grand humaniste Abraham Lincoln quelques jours avant son assassinat : “Je prévois dans les jours à venir une crise qui m’énerve et me fait trembler pour la sécurité de mon pays. Les corporations ont été intronisées ; il s’en suivra une ère de corruption en haut lieu ; et le pouvoir capitaliste du pays s’efforcera de prolonger son règne en s’appuyant sur les préjugés du peuple jusqu’à ce que la richesse soit agglomérée en quelques mains et que la République soit détruite” (note de l’auteur) (op.cit. Paris, éditions Crès, 1923, 314 pages. p. 93).
Faut-il préciser que nombreux sont les critiques qui doutent du suicide de ce “Jack London”, en Californie, mais penchent, comme pour J.F. Kennedy, pour un meurtre ordonné par cette oligarchie qu’il avait prévue, et déborde de toute part, comme une lave !